Seth Messenger : Citations de Erich Fromm

Erich Fromm a dit :

(Langue maternelle)
Erich Fromm
(Citations)
#41554
Si je suis ce que je possède, et que je perds tout ce que j'ai, qui suis-je?

Erich Fromm
(Source inconnue)


#41555
"Mourir est une chose terrible, mais l'idée de mourir sans avoir vécu est insupportable."

Erich Fromm
(Source inconnue)


#41558
L'amour consiste à prendre soin de l'autre, à s'inquiéter de lui, à le respecter et à essayer sans cesse de le connaître davantage.

Erich Fromm
(Source inconnue)


#41559
[…] seule la personne qui a foi en elle-même peut être fidèle aux autres.

Erich Fromm
(Source inconnue)


#41560
L'amour est un art qui demande créativité et effort. Il ne saurait se réduire à une sensation agréable, dont l'expérience est affaire de hasard.

Erich Fromm
(Source inconnue)


#41561
Le paradoxe de l'amour réside en ce que deux êtres deviennent un et cependant restent deux.

Erich Fromm
(Source inconnue)


#41562
Dans la société capitaliste contemporaine, la signification de l'égalité s'est transformée. Par égalité on se réfère à une égalité d'automates ; d'hommes qui ont perdu leur individualité. Aujourd'hui, égalité signifie "similitude" plutôt que "singularité". C'est une similitude d'abstractions, d'hommes qui exécutent les mêmes travaux, qui s'adonnent aux mêmes loisirs, qui lisent les mêmes journaux, qui nourrissent les mêmes sentiments et les mêmes idées. ... ... La proposition de la philosophie des lumières, "l'âme n'a pas de sexe", est devenue d'une pratique générale. La polarité des sexes est en voie de disparaître, et avec elle l'amour érotique, qui se fonde sur cette polarité. Les hommes et les femmes deviennent les mêmes, non des égaux en tant que pôles opposés. La société contemporaine prêche cet idéal d'égalité non individualisée parce qu'elle a besoin d'atomes humains, tous semblables, pour les faire fonctionner dans un vaste agrégat, doucement, sans frictions ; tous obéissants aux mêmes ordres, mais chacun étant néanmoins convaincu qu'il suit ses propres désirs. Tout comme la production moderne en grande série requiert la standardisation des produits, ainsi le processus social requiert la standardisation de l'homme, et cette standardisation, on l'appelle "égalité".

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41563
L'aptitude à rester seul est la condition de l'aptitude à aimer.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41564
L'homme est-il par essence méchant et corrompu, ou au contraire bon et perfectible? L'Ancien Testament ne se prononce pas, loin de là, en faveur de la première hypothèse: le fait qu'Adam et Eve désobéissent à Dieu n'y est pas qualifié de péché; nulle part il n'est même simplement suggéré que cette désobéissance a eu pour effet de corrompre l'être humain. (...) A vrai dire cette désobéissance rentrait même semble-t-il, dans les desseins de Dieu car c'est précisément parce que l'homme a été expulsé du paradis qu'il possède le pouvoir de construire sa propre histoire.

Erich Fromm
(Le coeur de l'homme)


#41565
L'amour est-il un art? En ce cas, il requiert connaissance et effort. Ou bien l'amour est-il une sensation agréable, dont l'expérience est affaire de hasard, ce dans quoi l'on "tombe" si la chance vous sourit?

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41566
L'amour n'est pas un sentiment à la portée de n'importe qui: il dépend de notre niveau de maturité.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41567
L’amour infantile suit le principe : « J’aime parce que je suis aimé. » L’amour parvenu à maturité suit le principe : « Je suis aimé parce que j’aime. » L’amour inachevé dit : « Je t’aime parce que j’ai besoin de toi. » L’amour accompli dit : « J’ai besoin de toi parce que je t’aime. »

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41568
Etre objectif, utiliser sa raison n'est possible que si l'on a acquis une attitude d'humilité, si l'on s'est libéré des rêves d'omniscience et d'omnipotence qui hantèrent notre enfance.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41569
Le nourrisson a besoin de l’amour inconditionnel et de la sollicitude de la mère, tant physiologiquement que psychologiquement. Après six ans, l’enfant commence à avoir besoin de l’amour du père, de son autorité et de ses conseils. La mère a pour tâche de faire de lui un être confiant dans la vie ; le père, de lui servir de guide pour faire face aux problèmes auxquels le confronte la société particulière où il est né.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41570
Le capitalisme moderne a besoin d'hommes qui coopèrent uniment et en grand nombre, qui veulent consommer toujours davantage, et dont les goûts sont standardisés, facilement modelables et prévisibles. D'hommes qui, tout en ayant le sentiment de rester libres et autonomes, de n'être soumis à aucune autorité, règle ou contrainte intérieure, acceptent cependant d'être commandés, d'exécuter ce que l'on attend d'eux, de s'insérer sans frictions dans la machine sociale. D'hommes que l'on peut diriger sans violence, conduire sans chefs, mouvoir sans but, sinon celui de tenir sa place, d'être en mouvement, de fonctionner, de continuer d'avancer. L’homme moderne a perdu contact avec lui-même, avec autrui et avec la nature. Transformé en marchandise, il éprouve ses forces vitales comme un investissement dont il doit tirer le maximum du profit possible en rapport avec les conditions du marché. Les rapports humains sont essentiellement des rapports entre automates aliénés, chacun assurant sa sécurité en s’efforçant de rester proche de la foule et de ne pas s’en distinguer en pensée, sentiment ou action. Dès lors, chacun reste absolument seul, en proie à l’insécurité, l’angoisse et la culpabilité, tous sentiments inéluctables lorsque l’on ne parvient pas à surmonter la solitude humaine. Pour aider les gens à rester consciemment inconscients de cette solitude, notre civilisation offre de nombreux palliatifs : en premier lieu, la routine stricte du travail mécanique, bureaucratisé, qui noie dans l’inconscience les désirs humains les plus fondamentaux, le désir nostalgique de transcendance et d’unité. Dans la mesure où la routine du travail n’y réussit pas à elle seule, l’homme surmonte son désespoir inconscient par la routine de l’amusement, par la consommation passive des sons et des spectacles qu’offre l’industrie des loisirs ; à quoi s’ajoute la satisfaction d’acheter des choses toujours nouvelles et de bientôt les échanger pour d’autres. L’homme moderne n’est pas loin de ressembler au portrait que Huxley a tracé dans son Brave New World : bien nourri, bien vêtu, sexuellement satisfait, mais dépourvu de soi, sans autre contact avec autrui que superficiel. (pp. 105-106)

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41571
L’amour accompli est une union qui implique la préservation de l’intégrité, de l’individualité.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41572
Notre capacité de douter , de critiquer et de désobéir est sans doute le seul moyen d'éviter la fin de la civilisation et d'assumer l'avenir de l'humanité .

Erich Fromm
(De la désobéissance et autres essais)


#41573
L'amour est une sollicitude active pour la vie et la croissance de ce que nous aimons. Là où manque ce souci actif, il n'y a pas d'amour. Cette dimension de l'amour a été admirablement décrite dans le livre de Jonas. Dieu dit à Jonas de se rendre à Ninive et d'avertir ses habitants qu'ils seront châtiés s'ils ne renoncent pas à leur conduite perverse. Mais Jonas, craignant que le peuple de Ninive ne se repente et que Dieu ne lui pardonne, se dérobe à sa mission. C'est un homme qui possède au plus haut point le sens de l'ordre et de la loi, mais sans amour. Cependant, dans sa tentative de fuite, il se retrouve dans le ventre d'une baleine, symbole de l'état d'isolement et d'emprisonnement auquel l'a conduit son manque d'amour et de solidarité. Dieu le sauve, et Jonas se rend à Ninive. Il prêche aux habitants comme Dieu le lui avait prescrit, et voilà qu'arrive cela même qu'il craignait. Les hommes de Ninive se repentent de leurs péchés, rectifient leur conduite, et Dieu leur pardonne et décide de ne pas détruire la ville. Jonas en conçoit un profond dépit et une vive irritation, il voulait que « justice » fût faite, non miséricorde. Finalement, il puise quelque réconfort à l'ombre d'un arbre que Dieu avait fait croître pour lui afin de le protéger du soleil. Mais quand Dieu fait en sorte que l'arbre se dessèche, Jonas déprimé se plaint avec colère. Dieu lui répond : « Tu te prends de pitié au sujet d'un ricin pour lequel tu n'as pas travaillé, que tu n'as pas fait croître, qu'une nuit a vu naître et qu'une nuit a vu périr. Et moi, je, n'épargnerais pas Ninive, cette ville florissante, dans laquelle il y a plus de cent vingt mille personnes qui ne savent distinguer leur main droite de leur main gauche, et aussi beaucoup de bétail ? ». La réponse de Dieu à Jonas est à comprendre symboliquement. Dieu explique à Jonas que l'essence de l'amour est de « se donner de la peine » pour quelque chose et de « faire croître » quelque chose, que l'amour et le travail sont inséparables. On aime ce pour quoi l'on peine et l'on peine pour ce qu'on aime.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41574
Dans la société capitaliste contemporaine, la signification de l'égalité s'est transformée. Par égalité on se réfère à une égalité d'automates ; d'hommes qui ont perdu leur individualité. Aujourd'hui, égalité signifie "similitude" plutôt que "singularité".

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41575
La plupart des mères sont capables de donner du « lait » mais rares sont celles qui sont capables aussi de donner du « miel ». Pour être en mesure de donner du miel, une mère ne doit pas être seulement une « bonne mère », mais une personne heureuse –objectif qu’il n’est pas fréquent d’atteindre. […] L’amour d’une mère à l’égard de la vie est aussi contagieux que son angoisse.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41576
L'amour n'est possible que si deux personnes communiquent entre elles à partir du centre de leur existence...

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41577
Toute notre culture se fonde sur un appétit d'achat, sur l'idée d'un échange mutuellement profitable. L'homme moderne trouve son bonheur à regarder avec frénésie les vitrines des magasins et à acheter tout ce que ses moyens lui permettent d'acquérir, en argent comptant ou à tempérament.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41578
(...) si notre peur consciente est de ne pas être aimé, notre peur réelle, mais généralement inconsciente, est d'aimer. Aimer signifie se compromettre sans garantie, se livrer sans réserve, en espérant que notre amour engendrera l'amour dans l'aimé. L'amour est un acte de foi, et qui a peu de foi a peu d'amour.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41579
La plupart des gens ne sont même pas conscients de leur besoin de conformisme. Ils vivent avec l'illusion qu'ils suivent leurs propres idées et penchants, qu'ils sont individualistes, que les opinions auxquelles ils sont arrivés représentent l'aboutissement de leur propre réflexion - et que, si leurs idées rejoignent celles de la majorité, c'est en quelque sorte une coïncidence.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41580
L'amour inconditionnel répond à l'un des plus profonds désirs nostalgiques, non seulement de l'enfant, mais de tout être humain ; par contre, être aimé en vertu de sa valeur, de ses mérites, laisse toujours place au doute ; que ce soit parce que j'ai déplu à la personne dont je désirais me faire aimer ou pour toute autre raison, il reste que je vis dans la crainte continuelle que l'amour vienne à disparaître. De plus, un amour "mérité" risque d'engendrer le sentiment amer que l'on n'est pas aimé pour soi-même, mais seulement parce que l'on plaît, en somme que l'on n'est pas aimé du tout mais utilisé.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41581
Pour la plupart, le problème essentiel de l'amour est d'être aimé plutôt que d'aimer, d'être capable d'amour. Dès lors, leur problème est de savoir comment être aimé, comment être aimable. En quête de ce but, ils suivent différentes voies.[...] A vrai dire, ce que la plupart des gens dans notre culture entendent par être aimable, consiste essentiellement en un mélange de popularité et de sex-appeal.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41582
De la naissance à la mort, du lundi au lundi, du matin au soir - toutes les activités sont routinées et prébrabriquées. Comment un homme pris dans ce filet de routine n'oublierait-il pas qu'il est un homme, un individu unique, qui n'a reçu que cette seule chance de vivre, avec des espoirs et des désillusions, avec des peines et des craintes, avec le désir nostalgique de l'amour et la terreur du néant et de la séparation ?

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41583
L'initiative individuelle fut un puissant levain pour l'économie et le développement personnel au temps du capitalisme libéral. Mais elle revêt deux aspects : elle favorise uniquement des qualités choisies de l'homme, sa volonté et son efficacité, tout en le laissant en proie au Minotaure économique. C'était un principe qui fonctionnait mieux pendant la phase individuelle de la concurrence (...). Aujourd'hui, le commerce de détail, l'artisanat et la petite industrie se rétrécissent chaque jour comme la peau de chagrin. Seule une minorité peut encore faire preuve d'initiative.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41584
La société, et son agent psycho-social, la famille, ont à résoudre un difficile problème : comment briser la volonté d'une personne sans qu'elle s'en rende compte ? Et pourtant, par un processus compliqué d'endoctrinement, de récompenses, de punitions et par une idéologie adéquate, la société (et la famille), dans l'ensemble, vient si bien à bout de cette tâche que la plupart des individus croient suivre leur propre volonté sans se rendre compte qu'elle est elle-même conditionnée et manipulée.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41585
Être égoïste, cela signifie que je veux tout avoir ; que posséder, et non pas partager, me procure du plaisir ; que je dois devenir cupide parce que mon seul but est d'avoir : plus j'ai plus je suis ; que je dois me sentir hostile à l'égard de tous les autres : mes clients que je dois tromper, mes concurrents que je désire éliminer, mes ouvriers que je veux exploiter. Je ne peux jamais être satisfait parce que mes désirs sont sans fin ; je dois envier ceux qui ont plus que moi et avoir peur de ceux qui ont moins.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41586
Une seconde prémisse sous-jacente à l'attitude selon laquelle il n'y a rien à apprendre sur l'amour revient à supposer que le problème de l'amour est un problème d'"objet", et non un problème de "faculté". Les gens pensent qu'il est simple d'aimer, mais qu'il est difficile de découvrir le "bon objet" à aimer - ou qui les aimera.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41587
L'amour est-il un art ? En ce cas, il requiert connaissance et effort. Ou bien l'amour est-il une sensation agréable, dont l'expérience est affaire de hasard, ce dans quoi l'on «tombe » si la chance vous sourit ? Ce petit livre se fonde sur la première prémisse, bien que sans nul doute la plupart des gens croient aujourd'hui en la seconde. Non point que les gens s'imaginent que l'amour soit sans importance. Ils en sont affamés, ils vont voir d'innombrables films sur des histoires d'amour heureuses et malheureuses, ils écoutent des centaines de chansons d'amour des plus médiocres - et, cependant, presque personne ne pense avoir tant soit peu à apprendre sur l'amour.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41588
Mais la plupart des gens estiment qu'il est trop difficile d'abandonner leur orientation " avoir "; toute tentative dans ce sens éveille chez eux une angoisse intense, et ils ont l'impression de n'être plus du tout en sécurité, comme si, ne sachant pas nager, ils étaient précipités dans l'océan. Ils ne savent pas qu'à partir du moment où ils ont renoncé à la béquille de la propriété, ils peuvent commencer à se servir de leurs propres forces et se mettre à marcher tout seuls.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41589
Que donne un être à un autre ? Il donne de lui-même, de ce qu'il a de plus précieux, il donne de sa vie. Ceci ne signifie pas nécessairement qu'il sacrifie sa vie pour autrui - mais qu'il donne de ce qui est vivant en lui ; il donne de sa joie, de son intérêt, de sa compréhension, de son savoir, de son humeur, de sa tristesse - bref, de tout ce qui exprime et manifeste ce qui vit en lui. En donnant ainsi de sa vie, il enrichit l'autre, il en rehausse le sens de la vitalité en même temps qu'il rehausse le sien propre. Il ne donne pas dans l'intention de recevoir, car le don constitue comme tel une joie exquise. Mais en donnant, il ne peut empêcher que rejaillisse sur lui ce qu'il engendre à la vie chez l'autre -, en donnant véritablement, il ne peut éviter de recevoir ce qui lui est donné en retour. Dès lors que l'un donne, l'autre devient également un donneur, et tous deux participent à la joie de ce qu'ils ont engendré à la vie. Dans le don, quelque chose prend corps, et les deux personnes impliquées sont reconnaissantes de la vie qui naît pour elles deux. Spécifiquement, en ce qui concerne l'amour, ceci signifie : l'amour est un pouvoir qui produit l'amour ; l'impuissance est l'incapacité de produire l'amour.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41590
Pourtant, beaucoup de psychiatres et psychologues refusent l'idée que la société dans son ensemble pourrait être malade. Ils maintiennent que le problème de la santé mentale dans la société ne concerne qu'une minorité d'individus “inadaptés”, et non pas la culture en elle-même, qui devrait être adaptée aux individus

Erich Fromm
(Société aliénée et société saine)


#41591
Respecter une personne est impossible sans la connaître ; la sollicitude et la responsabilité seraient aveugles si elles n'étaient guidées par la connaissance. La connaissance serait vaine si elle n'était motivée par la sollicitude. p.52

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41592
Quiconque est capable de donner de lui-même est riche. Il s'éprouve comme pouvant conférer de lui-même aux autres. Seul celui qui ne disposerait que du strict nécessaire à sa subsistance, sans aucun surplus, serait incapable de prendre plaisir à donner des biens matériels. Mais l'expérience journalière nous apprend que ce qu'une personne considère comme le strict nécessaire dépend autant de son caractère que de ce qu'elle possède effectivement. Il est bien connu que les pauvres acceptent plus volontiers de donner que les riches. Au-delà d'un certain point, il est vrai, la pauvreté peut rendre le don impossible, et dès lors elle est avilissante, non seulement en vertu de la souffrance qu'elle occasionne directement, mais aussi parce qu'elle prive le pauvre de la joie de donner.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41593
Derrière la façade chrétienne se lève une nouvelle religion secrète, la « religion industrielle » qui est enracinée dans la structure de caractère de la société moderne, mais qui n'est pas reconnue comme « religion ». La religion industrielle est absolument incompatible avec le christianisme authentique. Elle fait des individus les esclaves de l'économie et du machinisme qu'ils ont construits de leurs propres mains.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41594
Par « activité », selon l'acception moderne de ce mot, on entend d'habitude une action qui, par une dépense d'énergie, opère un changement dans une situation existante. Ainsi considère-t-on un homme comme actif s'il fait des affaires, étudie la médecine, travaille à la chaîne, construit une table, ou se livre aux sports. Toutes ces activités ont ceci en commun qu'elles visent un but extérieur à atteindre. Ce dont il n'est pas tenu compte, c'est de la motivation de l'activité. Considérons, par exemple, un homme poussé à un travail incessant par un sentiment d'insécurité et de solitude profondes -, ou un autre poussé par l'ambition ou la soif de l'argent. Dans tous ces cas, l'individu est esclave d'une passion, et son activité est en fait une « passivité » parce qu'il est poussé ; il est victime, non « acteur ». D'autre part, un homme qui se tient tranquille et qui contemple, sans autre intention ou objectif que de faire l'expérience de lui-même et de son unicité avec le monde, on le considère comme « passif » parce qu'il n'est pas « en train de faire » quelque chose. En réalité, cette attitude de méditation concentrée représente la plus haute activité qui soit, une activité de l'âme, qui n'est rendue possible que par la liberté intérieure et l'autonomie. Ainsi donc, au sens moderne, le concept d'activité se réfère à une dépense d'énergie en vue de la réalisation d'objectifs externes, tandis qu'en un autre sens, il se réfère à la mise en œuvre de pouvoirs inhérents à l'homme, sans se soucier qu'ait lieu un changement extérieur. Ce second sens du concept d'activité, Spinoza l'a formulé très clairement. Il distingue parmi les affects ceux qui sont actifs et passifs, les « actions » et les « passions ». Dans l'exercice d'un affect actif, l'homme est libre, il est maître de son affect ; dans l'exercice d'un affect passif, l'homme est poussé, objet d'une motivation dont il n'est pas lui-même conscient. Ainsi Spinoza en vient-il à affirmer que la vertu et le pouvoir sont une seule et même chose. L'envie, la jalousie, l'ambition, toute espèce de cupidité, sont des passions ; l'amour est une action, la pratique d'un pouvoir humain qui ne peut s'exercer que dans la liberté et jamais sous l'effet d'une contrainte.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41595
Le besoin le plus profond de l’homme est de surmonter sa séparation, de fuir la prison de sa solitude. […] L’homme […] se trouve confronté à la solution d’un seul et même problème : comment surmonter la séparation, comment accomplir l’union, comment transcender sa propre vie individuelle et trouver l’unicité ?

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41596
Toute théorie de l’amour doit commencer par une théorie de l’homme, de l’existence humaine.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41597
Les différences de talent, d'intelligence, de connaissances apparaissent négligeables en regard de l'identité du noyau humain qui est commun à tous les hommes.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41598
La responsabilité pourrait facilement dégénérer en domination et possessivité s'il n'y avait une troisième composante de l'amour : le respect. Le respect n'est ni peur ni crainte révérencieuse ; il signifie, conformément à la racine du mot ("respicere = regarder), la capacité de percevoir une personne telle qu'elle est, d'être conscient de son individualité unique. C'est avoir souci que l'autre personne puisse croître et s'épanouir à partir de son propre fonds.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41602
L’amour ne commence véritablement à s’épanouir que lorsqu’il s’attache à ceux qui ne remplissent pas une fonction à notre égard.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41603
La peur, comme la douleur, est un sentiment très inconfortable, et l'homme est capable de faire n'importe quoi pour s'en débarrasser. Il y a bien des façons d'éliminer la peur et l'anxiété comme l'usage des drogues, l'excitation sexuelle, le sommeil et la compagnie des autres. L'une des façons les plus efficaces de se débarrasser de l'anxiété est de devenir agressif.

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41604
La véritable révolution apportée par Freud est de nous avoir fait reconnaître l'aspect inconscient de l'esprit humain et l'énergie qu'il met à refouler la prise de conscience de ses pulsions indésirables. Freud a montré que les bonnes intentions ne signifient rien si elles dissimulent des désirs inconscients ; il a démasqué la malhonnêteté "honnête" en démontrant qu'il ne suffit pas d'avoir eu "consciemment" l' "intention" d'agir bien.

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41605
L'homme religieux authentique a foi dans les principes que "Dieu" représente ; il pense la vérité, vit l'amour et la justice, et il ne donne de prix à son existence que dans la mesure où il y trouve l'occasion d'épanouir au maximum ses virtualités humaines - seule chose qui importe, seul objet de "préoccupation ultime". En fin de compte, il ne parle pas de Dieu, ni ne mentionne même son nom.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41606
Aussi longtemps que Dieu est père, je reste un enfant. Je ne suis pas affranchi complètement du désir autistique d'omniscience et d'omnipotence. Je n'ai pas encore acquis l'objectivité qui me permettrait de prendre conscience de mes limites humaines, de mon ignorance, de ma faiblesse. Semblable à un enfant, je revendique la présence d'un père qui me secoure, me protège, me punisse, d'un père qui m'aime lorsque je lui obéis, qui est flatté par mes éloges et irrité par mes incartades. Indiscutablement la plupart des gens en sont restés à ce stade infantile : ils croient en Dieu comme en un père toujours près à les aider - illusion puérile. Cette vue a été dépassée par quelques grands maîtres de l'humanité, et par une minorité d'hommes, mais elle demeure la forme prédominante de la religion.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41607
En contraste avec l'union symbiotique, l'amour accompli est une union qui implique la préservation de l'intégrité, de l'individualité. L'amour est chez l'homme un pouvoir actif ; un pouvoir qui démantèle les murs séparant l'homme de ses semblables, qui l'unit à autrui ; l'amour lui fait surmonter la sensation d'isolement et de séparation, tout en lui permettant d'être lui-même, de maintenir son intégrité. Le paradoxe de l'amour réside en ce que deux êtres deviennent un et cependant restent deux.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41608
L'amour accompli est une union qui implique la préservation de l'intégrité, de l'individualité. L'amour est chez l'homme un pouvoir actif ; un pouvoir qui démantèle les murs séparant l'homme de ses semblables, qui l'unit à autrui ; l'amour lui fait surmonter la sensation d'isolement et de séparation, tout en lui permettant d'être lui-même, de maintenir son intégrité. Le paradoxe de l'amour réside en ce que deux êtres deviennent un et cependant restent deux. p.42

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41609
Il est à peine besoin de souligner que la capacité d'amour en tant que don dépend du développement caractériel. Elle présuppose que la personne ait atteint une orientation foncièrement productive ; il en est ainsi lorsqu'elle a surmonté la dépendance, l'omnipotence narcissique, le désir d'exploiter les autres ou d'amasser, lorsqu'elle a acquis la foi en ses propres possibilités humaines, le courage de compter sur ses forces pour parvenir à ses buts. Dans la mesure où manquent ces qualités, elle a peur de se donner - par conséquent, d'aimer.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41610
Si deux personnes qui sont étrangères, comme nous le sommes tous, laissent soudainement s'abattre le mur qui les séparait, et se sentent proches, se sentent une, ce moment d'unicité est une des expériences les plus vivifiantes et les plus émouvantes de la vie. Il est d'autant plus merveilleux et miraculeux pour les personnes qui ont vécu séparées, isolées, sans amour. Ce miracle de soudaine intimité est souvent facilité s'il s'associe à, ou est suscité par l'attraction et la consommation sexuelle. Cependant, de par sa nature même, ce type d’amour n'est pas durable. Les deux personnes s'accoutument l'une à l'autre, leur intimité perd de plus en plus son caractère miraculeux, jusqu'à ce que leur antagonisme, leurs déceptions, leur ennui mutuel, tuent ce qui a pu subsister de l'émoi initial.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41611
L'homme le plus sadique et le plus destructeur est humain - aussi humain que le saint. [...] Ces considérations n'impliquent aucunement que la destruction et la cruauté ne soient pas des vices ; elles signifient simplement que le vice est humain. Elles sont en effet destructrices de la vie, du corps et de l'esprit non seulement de la victime, mais également du destructeur. Elles constituent un paradoxe : elles expriment que la vie se retourne contre elle-même dans son effort pour se donner un sens. Elles sont les seules véritables perversions. Les comprendre n'est pas les excuser.

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41612
Des automates sont incapables d'aimer ; ils ne savent qu'échanger leur paquet de personnalité en espérant conclure un marché équitable.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41613
Le sommeil est la seule situation qui convient à l'inactivité, l'éveil est la seule où la paresse ne devrait avoir aucune part. Le paradoxe est qu'aujourd'hui bien des gens sont à moitié endormis quand ils sont éveillés, et à moitié éveillés quand ils sont endormis, ou disposés à dormir. Pour ne pas s'ennuyer ni être ennuyeux, ce qui de tout évidence est une des principales conditions de l'amour, il faut être pleinement éveillé : être actif en pensée, en sentiment, avec ses yeux et ses oreilles, tout au long de la journée, sans se contenter de recevoir ou de thésauriser, sans perdre carrément son temps. Il est utopique de croire que la vie puisse être compartimentée. On ne saurait être productif dans le domaine de l'amour sans l'être dans tous les autres domaines. La productivité exclut une telle division du travail. Pour aimer, nous devons nous tenir dans un état d'éveil intense, de puissante vitalité, qui implique nécessairement une orientation productive et active en de nombreuses sphères de la vie.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41614
La faculté de penser objectivement est la raison ; l'attitude affective qui sous-tend la raison est l'humilité. Etre objectif, utiliser sa raison n'est possible que si l'on a acquis une attitude d'humilité, si l'on s'est libéré des rêves d'omniscience et d'omnipotence qui hantèrent notre enfance.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41615
... Maître Eckhart : "Si vous vous aimez vous-même, vous aimez chacun comme vous-même. Aussi longtemps que vous aimerez quelqu'un moins que vous même, vous ne réussirez pas vraiment à vous aimer, mais si votre amour s'étend à tous également, vous-même y compris, vous aimerez l'ensemble des êtres comme ne faisant qu'une seule personne, et cette personne est à la fois Dieu et l'homme. Aussi est-il grand et juste celui qui, s'aimant lui-même, aime tous les autres d'une égale façon."

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41619
Lorsqu’elle est à maturité, la personne est devenue sa propre mère et son propre père.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41620
Dans l’amour et le don de moi-même, dans la pénétration d’autrui, je me trouve, je me découvre moi-même, je nous découvre tous les deux, je découvre l’homme.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41621
"La haine ne peut pas disparaître tant qla justice et l'égalité font défaut"

Erich Fromm
(Aimer la vie)


#41630
Pour Marx, l'aliénation signifie que l'homme ne s'approprie pas le monde mais que le monde, la nature, les autres et lui-même, lui restent étrangers. Ce sont des objets - même s'ils sont créés par lui - qui sont au-dessus de lui. L'individu aliéné contemple le monde et se contemple lui-même passivement, comme le sujet séparé de son objet.

Erich Fromm
(La Conception de l'homme chez Marx)


#41631
Il n’y a de respect que fondé dans la liberté […].

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41632
Toute notre culture se fonde sur un appétit d'achat, sur l'idée d'un échange mutuellement profitable. (...) «Attrayant» signifie d'habitude un joli paquet de qualités qui jouissent de popularité et sont recherchées sur le marché de la personnalité. (...) Ainsi deux personnes tombent-elles amoureuses lorsqu'elles ont le sentiment d'avoir découvert le meilleur objet disponible sur le marché, compte tenu des limitations de leur propre valeur d'échange.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41633
L'expérience du partage de la souffrance avec autrui est l'assise la plus solide du sentiment de solidarité.

Erich Fromm
(L'art d'être)


#41634
Si l'agressivité humaine se situait plus ou moins au même niveau que celle des autres mammifères - et en particulier de notre plus proche parent, le chimpanzé - la société humaine serait plutôt pacifique et non violente. Mais il n'en est rien. L'histoire humaine est imprégnée d'une destructivité et d'une cruauté extraordinaire et l'agressivité de l'homme, semble-t-il, surpasse de loin celle de ses ancêtres animaux ; l'homme est, contrairement à la plupart des animaux, un véritable "tueur".

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41635
Ma thèse, comme le démontreront les chapitres suivants, est que la destructivité et la cruauté ne sont pas des pulsions instinctuelles, mais des passions enracinées dans l'existence totale de l'homme. Elles sont une façon de donner un sens à la vie ; elles ne sont pas et ne peuvent pas être présentes chez les animaux, parce qu'elles sont, de par leur propre nature, ancrées dans la "condition humaine".

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41636
Malgré les grandes différences qui existent entre la théorie behavioriste et la théorie instinctiviste, elles ont en commun leur orientation fondamentale. Elles excluent toutes deux la "personne", "l'homme se comportant", de leur champ de vision. Que l'homme soit le produit du conditionnement ou le produit de l'évolution animale, il est exclusivement déterminé par des conditions situées en dehors de lui ; il ne joue aucun rôle dans sa propre vie, il n'a pas de responsabilités, pas même une trace de liberté. L'homme est une marionnette mue par des ficelles : l'instinct ou le conditionnement.

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41639
La première démarche qui s'impose est de prendre conscience que l'amour est un art, tout comme vivre est un art.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41640
Mourir est une poignante amertume. Mais l'idée de devoir mourir sans avoir vécu est insupportable.

Erich Fromm
(Source inconnue)


#41641
Aimer quelqu'un ne relève pas seulement de la puissance du sentiment - mais d'une décision, d'un jugement, d'une promesse. SI l'amour n'était que sentiment, la promesse de s'aimer pour toujours n'aurait aucun fondement. Un sentiment peut faire irruption comme il peut disparaître. Comment puis-je juger qu'il persistera si mon acte ne comporte ni jugement ni décision ?

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41642
La sollicitude, la responsabilité, le respect et la connaissance sont en mutuelle interdépendance. Ces composantes de l'amour forment un syndrome d'attitudes que l'on rencontre chez la personne mûre, c'est-à-dire chez la personne qui fait fructifier ses virtualités propres, qui ne désire avoir que ce pour quoi elle a travaillé, qui a renoncé aux rêves narcissiques d'omniscience et d'omnipotence, qui a acquis l'humilité fondée sur la force interne que seule peut donner une activité véritablement productive.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41643
... la conséquence ultime de la psychologie est l'amour.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41644
L'amour est une sollicitude active pour la vie et la croissance de ce que nous aimons. Là où manque ce souci actif, il n'y a pas d'amour. [...] Dieu explique à Jonas que l'essence de l'amour est de "se donner la peine" pour quelque chose et de "faire croître" quelque chose, que l'amour et le travail sont inséparables. On aime ce pour quoi l'on peine et l'on peine pour ce qu'on aime.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41645
... pour devenir un maître dans quelque art que ce soit la maîtrise de l'art doit être l'objet d'une préoccupation ultime ; il importe que rien au monde n'ait plus d'importance que l'art.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41646
Non point que les gens s'imaginent que l'amour soit sans importance. Ils en sont affamés, ils vont voir d'innombrables films sur des histoires d'amour heureuses et malheureuses, ils écoutent des centaines de chansons d'amour des plus médiocres - et, cependant, presque personne ne pense avoir tant soit peu à apprendre sur l'amour.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41647
Si nous voulons apprendre comment aimer, nous devons procéder de la même manière que pour apprendre n'importe quel autre art, à savoir la musique, la peinture, la charpenterie, ou l'art de la médecine ou de la mécanique.

Erich Fromm
(Source inconnue)


#41648
Pourquoi l'homme est-il si enclin à obéir, et pourquoi lui est-il si difficile de désobéir ? Tant que j'obéis au pouvoir de l'Etat, de l'Eglise ou de l'opinion publique, je me sens en sécurité et protégé. En fait, peu importe la nature du pouvoir auquel j'obéis. Il s'agit toujours d'une institution, ou d'hommes qui utilisent la force sous une forme ou sous une autre et qui se réclament frauduleusement de l'omniscience et de l'omnipotence. Mon obéissance m'intègre au pouvoir que je vénère, ce qui me donne une impression de force. Je ne peux pas me tromper, puisque le pouvoir décide pour moi , je ne peux pas être seul, puisqu'il veille sur moi , je ne peux pas commettre de péché, parce que le pouvoir m'en empêche, et si j'en commets, malgré tout, le châtiment ne sera guère pour moi que le moyen de regagner le bercail du pouvoir tout-puissant.

Erich Fromm
(De la désobéissance et autres essais)


#41649
On aime ce pour quoi l'on peine et l'on peine pour ce qu'on aime.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41650
Les deux personnes s'accoutument l'une à l'autre, leur intimité perd de plus en plus son caractère miraculeux, jusqu'à ce que leur antagonisme, leurs déceptions, leur ennui mutuel tuent ce qui a pu subsister de l'émoi initial. Mais voilà, au début elles ne se doutent de rien : elles prennent, en effet l'intensité de l'engouement, cet état d'être l'un de l'autre, pour une preuve de l'intensité de leur amour, alors que cela ne fait que révéler le degré de leur solitude antérieure.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41651
Certains, il est vrai, érigent le don en vertu, mais en le concevant comme un sacrifice. (...) Pour un caractère productif, le don revêt une signification entièrement différente. (...) Donner est source de plus de joie que recevoir, non parce qu'il s'agit d'une privation, mais parce que dans le don s'exprime ma vitalité.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41652
La forme passive de l’union symbiotique est la soumission ou, pour utiliser un terme clinique, le masochisme. Le masochiste échappe au sentiment insupportable d’isolement et de séparation en se faisant partie intégrante d’une autre personne qui le dirige, le guide, le protège, qui est comme la vie et l’oxygène.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41653
"Depuis des millénaires, l'homme vit dans un système où le vainqueur n'a pas l'obligation du repentir, parce que la puissance est synonyme de droit".

Erich Fromm
(Aimer la vie)


#41657
La cupidité et la paix sont inconciliables.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41658
La thèse qui sera développée dans ce chapitre est que la destructivité et la cruauté humaines ne peuvent pas s'expliquer dans les termes d'une hérédité animale ou d'un instinct de destruction, mais qu'elles doivent être comprises sur la base des facteurs par lesquels l'homme "diffère" de ses ancêtres animaux.

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41659
La découvert des processus inconscients et du concept dynamique de caractère a été définitive parce qu'elle permet d'atteindre les racines mêmes du comportement humain ; elle est inquiétante parce que personne ne peut plus se cacher derrière ses bonnes intentions ; elle est dangereuse parce que, si chacun devait savoir ce qu'il peut connaître de lui-même et des autres, la société serait ébranlée jusque dans ses fondements.

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41660
Les expériences où les sujets sont totalement privés du sens de la réalité peuvent provoquer des réactions qui expriment des tendances inconscientes au lieu de montrer comment les sujets se seraient comportés dans la réalité.

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41661
Parce que le néo-behaviourisme n'a pas de théorie de l'homme, il ne peut voir que le comportement, et non l'homme se comportant. Si quelqu'un sourit pour me cacher son hostilité, ou si une vendeuse sourit dans un magasin parce qu'elle en a reçu la consigne (dans les bons magasins !) ou si un ami me sourit parce qu'il est content de me voir, tout cela, pour le néo-behaviouriste, est une seule et même chose : "un sourire est un sourire". Que cela ne fasse aucune différence pour le Pr Skinner en tant que personne, c'est quelque chose de très difficile à croire, à moins qu'il ne soit si aliéné lui-même que la réalité de l'individu n'ait plus aucun intérêt pour lui. Mais si la différence a quelque importance, alors comment une théorie qui l'ignore pourrait-elle être valable ?

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41662
Freud ne pouvait concevoir ses découvertes que dans le cadre des concepts et de la terminologie de son temps. N'ayant jamais pu se libérer du matérialisme de ses maîtres, il dut trouver une façon de travestir les passions humaines en les présentant comme les produits d'un instinct.

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41663
Le néo-instinctivisme de Lorenz doit peut-être son succès non pas à la vigueur de ses arguments, mais au fait que les esprits étaient disposés à les accepter. Des gens apeurés, et qui se sentaient impuissants à changer le courant qui conduit à la destructivité, ne pouvaient qu'accueillir favorablement une théorie affirmant que la violence est enracinée dans notre nature animale, dans une pulsion, incontrôlable d'agressivité, une théorie qui prétend, comme le dit Lorenz, que ce qu'il y a de mieux à faire est de comprendre la loi d'évolution qui explique la puissance de cette pulsion. Cette théorie de l'agressivité innée devient facilement une idéologie qui aide à calmer la peur de l'avenir et à rationaliser le sentiment d'impuissance.

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41664
De la naissance à la mort, du lundi au lundi, du matin au soir - toutes les activités sont routinées et préfabriquées. Comment un homme pris dans ce filet de routine n'oublierait-il pas qu'il est un homme, un individu unique, qui n'a reçu que cette seule chance de vivre, avec des espoirs et des désillusions, avec des peines et des craintes, avec le désir nostalgique de l'amour et la terreur du néant et de la séparation ?

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41665
Dans le système actuel, ceux qui sont capables d'amour sont forcément des exceptions : l'amour est par nécessité un phénomène marginal dans la société occidentale contemporaine.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41666
... si l'est important d'écarter les conversations futiles, il est tout aussi important d'éviter les mauvaises fréquentations. Par mauvaises fréquentations je ne me réfère pas seulement aux gens qui sont vicieux, destructeurs, et dont le contact est à éviter parce qu'il est toxique, déprimant. J'entends aussi les automates, les gens dont l'esprit est mort bien que leur corps soit vivant ; ceux dont les pensées et la conversation sont triviales, qui jacassent au lieu de parler et qui avancent des opinions toutes faites au lieu de penser. Cependant, il n'est pas toujours possible, ni même nécessaire, d'éviter leur fréquentation. Si on ne réagit pas selon leur attente - c'est-à-dire par clichés et lieux communs - mais en termes directs et humains, on constate souvent qu'ils modifient leur attitude, surpris par le choc de l'inattendu.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41667
Si j'aime véritablement une personne, j'aime toutes les autres, j'aime le monde, j'aime la vie. Si je puis dire à quelqu'un : "je t'aime", je dois être capable de dire : "en toi j'aime chacun, à travers toi j'aime le monde, en toi je m'aime également".

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41668
Les rêves qui ne sont pas interprétés sont comme des lettres qu'on ne lit pas Parole du Talmud.

Erich Fromm
(Le langage oublié)


#41669
La plupart des gens ne s'avouent pas leurs sentiments de peur, d'ennui, de solitude et de désespoir – c'est-à-dire qu'ils en sont inconscients, et cela pour une raison simple : notre schéma social est tel que l'homme arrivé est censé ne pas avoir peur de s'ennuyer, ni d'être seul. Il doit considérer ce monde comme le meilleur; pour avoir le plus de chances de promotion sociale, il doit refouler aussi bien la peur que le doute, l'ennui que le désespoir. Consciemment beaucoup de gens se sentent pleins d'espoir alors qu'inconsciemment ils sont désespérés; l'inverse représente l'exception. Ce qui importe dans l'examen de l'espoir et du désespoir, ce n'est pas essentiellement ce que les gens pensent de leurs sentiments, mais ce qu'ils ressentent vraiment. Derrière les mots et les phrases qu'ils prononcent, on peut déceler leurs vrais sentiments à l'expression du visage, à la manière de marcher, à la capacité de réagir avec intérêt en face de ce qu'ils ont devant les yeux et à l'absence de fanatisme dont ils font preuve quand on leur présente une argumentation sensée.

Erich Fromm
(Espoir et revolution, vers l'humanisation de la technique)


#41670
La naissance n'est pas un acte. C'est un processus. Le but de la vie est de naître d'une manière plénière et son drame est que la plupart d'entre nous meurent avant même d'être nés. Vivre est naître à chaque instant. La mort survient quand la naissance s'arrête. Physiologiquement, notre système cellulaire est un processus de naissance ininterrompue. Psychologiquement, beaucoup d'entre nous, arrivés à un certain point, cessent de naître. Certains sont totalement mort-nés, ils poursuivent une vie physiologique alors que mentalement leur désir serait le retour au sein de la mère, à la terre, aux ténèbres, à la mort. (...) Bien d'autres encore progressent sur le chemin de la vie, mais sans parvenir à trancher le cordon ombilical. Ils demeurent symbiotiquement reliés à la mère, au père, à la famille, à la race, à la position, à l'argent, aux dieux, etc. Jamais ils ne viennent au jour en tant que pleinement eux-mêmes, aussi ne parviennent-ils jamais à naître pleinement. La réponse au problème de l'existence que représente une tentative de régression peut assumer diverses formes. Mais elles ont toutes en commun le fait qu'elles aboutissent à l'échec et la souffrance.

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41671
La première approximation d'une définition du bien-être pourrait se formuler ainsi: le bien-être, c'est être en accord avec la nature de l'homme.

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41672
Le mode être ne peut apparaître que dans la mesure où nous faisons décroître le mode avoir (qui est le non-être), c'est-à-dire dans la mesure où nous cessons de trouver notre sécurité et notre identité en nous accrochant à ce que nous avons, en " nous asseyant dessus ", en nous cramponnant à notre moi et à nos possessions.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41673
La psychanalyse était à l'origine une théorie radicale, pénétrante et libératrice. Elle a peu à peu perdu ce caractère, elle est entré en stagnation, parce qu'elle n'a pas réussi à développer sa théorie face au changement de la situation humaine; au contraire, elle s'est retirée dans le conformisme et la recherche de la respectabilité.

Erich Fromm
(La crise de la psychanalyse.)


#41674
En fait, les gens veulent se conformer à un degré bien plus élevé qu’ils n’y sont contraints, du moins dans les démocraties occidentales.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41675
La valeur intérieure de l'homme compte autant qu'un tube de dentifrice ou d'aspirine.

Erich Fromm
(L'art d'être)


#41676
Les êtres et les classes sociales ne supportent généralement pas d'être désillusionnées sans que ne leur soit proposé un monde de rechange, et ne prêtent pas attention, parce qu'ils ne le comprendraient pas, à ce qui leur ôte leurs illusions.

Erich Fromm
(L'art d'être)


#41677
"Qui n'éprouve pas le bonheur d'être vivant cherche à se venger et préfère détruire la vie plutôt que de sentir qu'il n'a pas donner un sens à la sienne"

Erich Fromm
(Aimer la vie)


#41678
La faillite de la culture moderne, dit E.Fromm, repose non dans le principe d'individualisme... mais dans la détérioration du sens de l'intérêt à soi, non dans le fait que les gens se soucient trop de leur propre intérêt, mais dans celui qu'ils ne s'intéressent pas assez à l'intérêt de leur moi réel, pas dans le fait qu'ils sont trop égoïstes, mais dans celui qu'ils ne s'aiment pas eux-mêmes.

Erich Fromm
(Société aliénée et société saine)


#41679
La foi, selon le mode avoir, est une béquille pour qui veut détenir la certitutde, pour ceux qui veulent une solution à la vie sans oser la rechercher en eux-mêmes.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41680
Une conversation où l'on dépasse son égocentrisme est une conversation qui cesse d'être un échange de marchandises (informations, savoir, statut) pour devenir un dialogue où l'important n'est plus de savoir qui a raison. les jouteurs commencent à danser ensemble et ils se séparent non pas sur un triomphe ou une peine - qui sont également stériles - mais avec joie.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41681
Dire "j'ai pour vous un grand amour" est vide de signification. L'amour n'est pas un objet que l'on peut avoir, mais un processus, une activité intérieure dont on est le sujet. Je peux aimer, je peux être amoureux, mais, en aimant, je n'ai... rien. En réalité, moins j'ai, plus je peux aimer.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41686
Affirmer que l'homme est prompt à commettre des atrocités dès que le drapeau est déployé, et cela en vertu d'une partie instinctive de la nature humaine, serait une excellente défense pour ceux qui sont accusés de violer les principes de la Convention de Genève. Bien que je sois sûr que Lorenz n'a pas l'intention de défendre les atrocités, ses arguments n'en aboutissent pas moins à un plaidoyer de ce genre. Son approche paralyse la compréhension des systèmes caractériels où sont enracinés ces atrocités, de même que la compréhension des conditions individuelles et sociales qui provoquent leur développement.

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41687
Prétendre qu'on ne peut haïr que là où l'on a aimé, c'est transformer l'élément de vérité contenu dans cette affirmation en une simple absurdité. Est-ce que l'opprimé hait l'oppresseur, est-ce que la mère hait le meurtrier de son enfant, est-ce que le torturé hait son tortionnaire parce qu'ils l'ont aimé dans le passé ou parce qu'ils l'aiment encore? (A propos des théories de Lorenz)

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41688
Terminologie l'usage équivoque du terme "agression" a créé une grande confusion dans l'abondante littérature qui lui est consacrée. Le mot a été indifféremment appliqué au comportement de l'homme qui protège sa vie contre une attaque, au voleur qui tue sa victime pour lui prendre son argent, au sadique qui torture un prisonnier. La confusion va même plus loin : le mot a été appliqué à l'approche sexuelle de la femelle par le mâle, aux impulsions qui incitent l'alpiniste ou le représentant de commerce à aller de l'avant et au paysan qui laboure la terre. Cette confusion est peut-être due à l'influence de la pensée behavioriste en psychologie et en psychiatrie. Si on appelle "agressions" tous les actes "nuisibles", c'est à dire ceux qui ont pour effet d'endommager ou de détruire un objet inanimé, une plante, un animal ou un homme, il est évident que la qualité de la pulsion qui conduit à l'acte nuisible perd toute signification. Si les actes commis dans l'intention de détruire, dans l'intention de protéger et ceux qui ont un but constructif sont tous désignés par un seul et même mot, il est évident qu'on ne peut espérer comprendre leur "cause" ; ils n'ont pas de cause commune parce qu'il sont des phénomènes totalement différents les uns des autres. (ndr : resituer le livre à son époque, 1973)

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41689
Tout comme le psychiatre moderne est d'avis qu'un préposé à la vente s'attirera autant de clientèle qu'il est heureux, de même certains ministres du culte prônent l'amour de Dieu comme un élément de succès. "Associez Dieu à votre vie" signifie faire de Dieu son associé en affaires plutôt que s'unir à Lui dans l'amour, la justice et la vérité. De même que l'on a remplacé l'amour fraternel par une sorte de bienséance impersonnelle, on a fait de Dieu quelque lointain "General Director of Universe, Inc." ; nous savons qu'il est là, qu'il dirige le spectacle (bien que celui-ci puisse certainement se dérouler sans lui), nous ne le voyons jamais, mais nous reconnaissons son autorité tout en jouant notre rôle.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41690
... la croyance en Dieu s'est transformée de nos jours en un expédient psychologique pour être mieux armé dans la lutte compétitive.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41691
L'homme des cultures religieuses est comparable à un enfant de huit ans qui a besoin de l'assistance de son père, mais qui commence néanmoins à en intégrer les enseignements et les principes dans sa vie. L'homme contemporain ressemble plutôt à un enfant de trois ans, qui réclame son père lorsqu'il en a besoin, et qui, pour le reste, se suffit entièrement à lui-même lorsqu'il peut jouer.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41692
[Névrotique] Tout ce qui s'écarte de l'attitude d'une mère aimante vis-à-vis d'un enfant charmant est pris comme preuve d'un manque d'amour. Ces hommes tendent à confondre leur comportement affectueux, leur volonté de plaire, avec l'amour authentique, et dès lors ils en viennent à conclure qu'ils sont traités avec la plus noire injustice ; s'imaginant qu'ils sont de grands amoureux, ils se plaignent amèrement de l'ingratitude de leur partenaire.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41693
La plupart des gens ne sont même pas conscients de leur besoin de conformisme. Ils vivent avec l'illusion qu'il suivent leurs propres idées et penchants, qu'ils sont individualistes, que les opinions auxquelles ils sont arrivés représentent l'aboutissement de leur propre réflexion - et que, si leur idées rejoignent celles de la majorité, c'est en quelque sorte une coïncidence. ... Mais en fait les gens veulent se conformer à un degré bien plus élevé qu'ils n'y sont contraints, du moins dans les démocraties occidentales.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41694
Donner ne réponse correcte semble de la plus haute importance, poser une question correcte n'a, en comparaison, qu'une valeur insignifiante.

Erich Fromm
(Le langage oublié)


#41695
Je l'ai prêté, on ne me l'a jamais rendu...

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41696
Le développement de l'homme suppose sa capacité de transcender l'étroite prison où son ego, son avidité, son égotisme et sa séparation d'avec autrui le maintiennent, et donc de dépasser sa solitude essentielle. Cette transcendance permet à l'homme d'être ouvert et relié au monde, vulnérable mais conscient de son identité et de son intégrité; elle le rend également capable d'aimer tout ce qui est vivant, d'épanouir ses facultés dans le monde environnant, et d'être « intéressé ». Surmonter l'avidité et l'égocentrisme permet donc à l'homme d'être plutôt que d'avoir et d'utiliser.

Erich Fromm
(Espoir et revolution, vers l'humanisation de la technique)


#41697
Ce que les hommes éprouvent, aujourd'hui, comme « bonheur » correspond réellement à un état de complète satisfaction de leurs désirs, quelle que soit leur qualité; le bonheur, ainsi conçu, dépasse les limites importantes que la philosophie grecque lui avait assignées, à savoir principalement qu'il ne doit pas être l'accomplissement des besoins subjectifs, mais plutôt celui des besoins objectivement valables, suivant les critères de l'existence totale de l'homme et de ses potentialités. Nous ferions mieux de penser à la joie et à la vivacité intense plutôt qu'au bonheur. Un être sensible ne peut pas s'empêcher d'être profondément affecté par les tragédies inévitables de la vie, que ce soit dans une société irrationnelle ou dans la meilleure des sociétés. La joie et la tristesse sont des expériences inéluctables pour un être sensible et vivant. Le bonheur, dans son sens actuel, implique une satiété béate et superficielle plutôt que la plénitude de l'expérience humaine; on peut dire que ce « bonheur » est la forme aliénée de la joie.

Erich Fromm
(Espoir et revolution, vers l'humanisation de la technique)


#41698
Une fois que j’ai découvert l’étranger en moi, je ne peux plus haïr l’étranger hors de moi, parce qu’il a cessé, pour moi, de l’être

Erich Fromm
(Vous serez comme des dieux)


#41699
L'amour ne se transmet pas par des mots ou par des explications. Il s'exprime par des gestes plutôt que par des idées, par un ton de voix plutôt que par des paroles.

Erich Fromm
(Le coeur de l'homme)


#41700
Une histoire hassidique peut illustrer ce point. On demandait au disciple d'un maître hassidique : « Pourquoi allez-vous écouter le maître ? Est-ce pour entendre ses paroles de sagesse ? » Il répondit : « Oh non ! Je vais voir comment il noue les lacets de ses chaussures. » Ce qui compte chez une personne ce ne sont pas les idées et les opinions acceptées depuis l'enfance, ou admises comme structures conventionnelles de pensée, mais son caractère, ses attitudes, et la racine viscérale de ses idées et de ses convictions. Pour permettre le grand dialogue, le souci de la vie et l'expérience partagée sont plus importants que des concepts communs.

Erich Fromm
(Espoir et revolution, vers l'humanisation de la technique)


#41701
On peut dire sans exagérer que jamais la connaissance des grandes idées produites par la race humaine n'a été aussi répandue que de nos jours, et que jamais ces idées n'ont été aussi peu efficaces qu'aujourd'hui.

Erich Fromm
(De la désobéissance et autres essais)


#41702
La perte du Moi et sa substitution par un pseudo-Moi laissent l'individu dans un intense état d'insécurité. Il est obsédé par le doute puisque, étant essentiellement le reflet des attentes qu'ont d'autres personnes de lui, il a dans une certaine mesure perdu son identité. Dans le but de dépasser la panique résultant d'une telle perte d'identité, il est obligé de se conformer, de chercher son identité dans l'approbation continuelle et la reconnaissance des autres. Puisqu'il ne sait pas qui il est, au moins les autres le sauront – à condition qu'il agisse selon leurs attentes , s'ils savent, il saura aussi, s'il les prend au mot.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41703
Le refoulement, outre son rôle déformant, joue un autre rôle « qui consiste à rendre une expérience irréelle par « cérébralisation ». Je veux dire par là que je crois voir, mais ne vois que des mots. Je crois ressentir, mais ne fais que penser la sensation. L'individu cérébral est un individu aliéné, l'individu de la grotte de Platon. Il ne voit que des ombres et les prend pour la réalité présente. Le processus de cérébralisation est lié à l'ambiguïté du langage. À peine ai-je exprimé quelque chose par un mot, que l'aliénation survient. La plénitude de l'expérience a été aussitôt remplacée par le mot. En réalité, l'expérience n'existe dans sa plénitude que jusqu'au moment d'être exprimée par le langage.

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41704
Le bien-être est l'état de celui qui est arrivé au plein développement de sa raison. Raison, ici, n'est pas pris dans le sens d'un simple jugement intellectuel, mais dans celui de la réalité appréhendée en « laissant les choses être » (selon les termes de Heidegger) ce qu'elles sont. Le bien-être n'est accessible que dans la mesure où le narcissisme personnel a été dépassé, dans la mesure où l'on se fait ouvert, coopérant, sensible, éveillé, vide (dans le sens Zen du mot). Le bien-être signifie être pleinement, affectivement, relié à l'homme et à la nature.

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41705
Le bien-être signifie être totalement né, devenir réellement ce que l'on est potentiellement. Cela signifie aussi posséder la pleine capacité d'éprouver joie et douleur, ou, pour l'exprimer mieux encore, de s'éveiller de cette demi-somnolence dans laquelle vit l'homme moyen, et d'atteindre enfin le réveil total. Cela signifie en plus d'être créatif. C'est-à-dire de réagir et de répondre à moi-même, aux autres, à toutes les choses existantes. De réagir et de répondre en tant que l'homme total que je suis, à la réalité de chacun et de chaque chose tels qu'ils sont en eux-même

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41706
Le bien-être, en fin de compte, signifie laisser tomber son Ego personnel, renoncer à l'avidité. Cesser de poursuivre la conservation et l'accroissement de l'Ego. Il signifie être, et s'éprouver soi-même dans l'acte d'être et non dans celui d'avoir, d'entasser, de convoiter, d'utiliser.

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41707
Méthode d'« enseignement » : celle du Zen est d'acculer le disciple. Le koan lui interdit toute échappatoire intellectuelle. Le koan ressemble à une barrière qui empêche toute fuite éventuelle.

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41708
L'analyste doit écarter l'une après l'autre toute tentative de rationalisation, toute béquille, jusqu'au moment où le patient ne parviendra plus à se dérober et, forcé de percer à travers les fictions qui lui encombrent l'esprit, débouchera enfin dans l'expérience de la réalité, c'est-à-dire deviendra conscient de ce dont il n'état pas conscient auparavant.

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41709
Au cours de notre croissance, le développement intellectuel entre en jeu et le domaine des sens est envahi par l'intellect. L'ingénuité de l'expérience sensorielle est perdue. Nous sourions, ce n'est plus simplement un sourire : quelque chose s'y est ajouté. Nous ne mangeons plus comme nous le faisions dans notre enfance, une nuance d'intellectualité s'y mêle. Nous subissons tous en nous cette immixtion de l'intellect, et nos plus simples actes biologiques sont désormais entachés d'égocentrisme. Cela signifie qu'un intrus a envahi notre inconscient, et celui-ci ne peut plus animer directement le champ de notre conscience. Dans le Zen, et dans le bouddhisme en général, [cette métamorphose] est appelée "souillure affective" ou "interférence de l'esprit conscient dominé par l'intellect". Si, en toute sincérité, un homme dans la maturité de son esprit recherche une vie libre et spontanée, que peur, angoisse et insécurité ne puissent plus troubler, le Zen exige de lui qu'il se lave de cette souillure, qu'il se libère de cette interférence. Alors, cette libération accomplie, l'inconscient "exercé" animera le champ de la conscience et nous connaîtrons enfin ce que les maîtres chinois du Zen appellent "l'esprit quotidien".

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41711
Le Zen déclare que le Tao est notre "esprit quotidien". Le Zen désigne évidemment par "Tao" l'inconscient, toujours à l'oeuvre dans notre conscient.

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41712
[L'individu] est libre quand il est lui-même tout en n'étant pas lui-même. Celui qui ne comprend pas cette contradiction apparente ne peut parler ni de liberté, ni de responsabilité, ni de spontanéité.

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41713
... ceux qui ne souffraient pas de symptômes bien circonscrits mais d'un malaise général. Pour opérer un changement qui ait un sens, il aurait fallu que ces derniers puissent voir ce qu'est une personne non aliénée et ce que veut dire une vie centrée sur l'être et non sur l'avoir ou l'utilisation. Mais une telle intuition aurait exigé une critique radicale de la société dans laquelle ils vivaient, de ses normes et de ses principes manifestes et surtout cachés; il aurait fallu avoir le courage de trancher des liens réconfortants et protecteurs et de se trouver ainsi en minorité. Cela aurait demandé plus de psychanalystes, qui ne soient pas, eux-mêmes, pris dans la confusion psychologique et spirituelle d'une vie industrialisée et cybernétisée.

Erich Fromm
(La crise de la psychanalyse.)


#41714
Ce ne sont ni son entraînement philosophique, ni son austérité morale, ni son ascétisme qui en fin de compte amenèrent le Bouddha à son illumination. Le Bouddha ne l'a atteinte qu'après avoir renoncé à toutes ces pratiques superficielles qui forment le cercle des circonstances extérieures de notre vie. Intellectualisme, conceptions, moralisme ne sont nécessaires que pour réaliser leurs propres limitations. L'exercice du koan vise à amener tout cela dans notre intériorité profonde.

Erich Fromm
(Bouddhisme Zen et psychanalyse)


#41715
De par sa naissance, l'homme, entendez la race humaine aussi bien que l'individu, est expulsé d'une situation qui était déterminée, aussi déterminée que les instincts, dans une situation qui est indéterminée, incertaine et ouverte. Il n'y a de certitude que sur le passé - et sur l'avenir dans la mesure où il porte la mort.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41716
Hitler réagissait de façon sadique vis-à-vis du peuple, mais de façon masochiste vis-à-vis du destin, de l’histoire, du « pouvoir supérieur » de la nature. Sa fin –le suicide au sein de la destruction générale- est aussi caractéristique que l’était son rêve de succès –une totale domination.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41717
" Pour presque tous les humains qui vivent aujourd'hui, c'est une pensée curieuse et presque incompréhensible qu'il y ait eu une période historique où l'homme ne cherchait pas à exploiter et n'était pas exploité....La propriété privée ne pouvait encore être investie sous forme de capital et conférer de la puissance.

Erich Fromm
(Aimer la vie)


#41719
De nombreuses études ont montré que l'enfant et l'adolescent sont paresseux parce que le matériel d'enseignement leur est présenté d'une façon sèche et froide, inapte à éveiller de leur part un réel intérêt ; si la pression et l'ennui sont supprimés, et si le matériel est présenté sous une forme vivante, l'activité et l'esprit d'initiative de l'élève sont mobilisés d'une façon remarquable.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41720
L'individu pourra aussi devenir entièrement dépendant des formes sociales dans lesquelles il vit, ne pouvant vivre qu'en se « conformant » aux autres, qu'en faisant comme « tout le monde » ; alors son doute et son anxiété diminueront parce qu'ils pensera, sentira comme des millions d'autres Le cinéma, la radio, la télévision, les magazines, la publicité, veillent à nous offrir les modèles auxquels nous devons nous conformer pour ne pas nous sentir seuls

Erich Fromm
(Société aliénée et société saine)


#41721
La foi, selon le mode avoir, est la possession d'une solution pour laquelle on n'a aucune preuve rationnelle. Elle consiste en formulations créées par les autres et que l'on accepte parce qu'on est soumis à ces autres - en général une bureaucratie. Elle comporte un sentiment de certitude en raison du pouvoir réel (ou seulement imaginaire) de la bureaucratie. Elle est le billet d'entrée qui permet de rejoindre un groupe important d'individus. Elle évite la tâche difficile de penser pour soi-même et de prendre des décisions. On devient un des beati possidentes, les heureux détenteurs de la seule vraie foi.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41722
Il est beaucoup plus facile pour les membres d'une petite tribu de juger le comportement du détenteur de l'autorité que pour les millions d'individus de notre système, qui ne connaissent leurs candidats que par l'image artificielle créée par les spécialistes des relations publiques.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41723
[quelque peu transformé] Les effets de l'alcoolisme et de la drogue compromettent les obligations sociales de ceux qui en sont victimes. Le fumeur compulsif est moins censuré parce que "seule" sa longévité est en cause, et non ses fonctions sociales.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41724
La passion d'avoir ne peut que conduire à une lutte des classes perpétuelle.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41725
Le travail obsessionnel à lui seul conduirait les individus à la folie aussi sûrement que le ferait l’oisiveté totale. Grâce au mélange, ils peuvent vivre.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41726
Un certain nombre de psychanalystes, pour la plupart influencés par Adolf Meyer, ont abandonné la théorie freudienne de la libido et ont construit ce qui me semble être l'un des développements les plus prometteurs et les plus féconds de la théorie psychanalytique. En s'appuyant sur l'étude de malades schizophrènes, ils sont parvenus à une compréhension de plus en plus pénétrantes des processus inconscients qui interviennent dans les relations interpersonnelles. En se libérant de l'influence restrictive de la théorie de la libido et particulièrement des concepts du ça, du moi et du surmoi, ils ont pu largement rendre compte de ce qui se passe dans les relations qui lient deux personnes et dans chacune de ces deux personnes en tant que participantes.

Erich Fromm
(La passion de détruire : Anatomie de la destructivité humaine)


#41727
Si j'aime véritablement une personne, j'aime toutes les autres, j'aime le monde, j'aime la vie. Si je puis dire à quelqu'un : je t'aime, je dois être capable de dire : en toi j'aime chacun, à travers toi j'aime le monde, en toi je m'aime également.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41728
^... Il s'agit avant tout de trouver un refuge pour se soustraire à la sensation insupportable d'isolement. L'"amour" voilà enfin le havre dont on rêvait ! Deux personnes s'allient contre le monde, et cet égoïsme à deux est pris - erreur ! - pour de l'amour et de l'intimité.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41729
Les différences de talent, d'intelligence, de connaissances apparaissent négligeables en regard de l'identité du noyau humain qui est commun à tous les hommes.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41730
Un examen plus attentif révèle que certains types de névroses, telle la névrose obsessionnelle, procèdent souvent d'un attachement unilatéral au père, tandis que d'autres, comme l'hystérie, l'alcoolisme, les dépressions, l'incapacité de s'affirmer et d'affronter la vie d'une manière réaliste, résultent d'une centration sur la mère.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41731
Le passage de l'attachement centré sur la mère à l'attachement centré sur le père, ainsi que leur synthèse ultérieure, constituent le fondement de la santé mentale et de la maturité.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41732
L'amour paternel a ceci de négatif qu'il doit être mérité, qu'il peut être perdu si l'on déçoit son attente. Sa nature implique que l'obéissance constitue la vertu principale, la désobéissance le péché majeur - dont le châtiment est le retrait de l'amour paternel. L'aspect positif est tout aussi important. Puisque son amour est conditionnel, il est en mon pouvoir de l'acquérir, je peux oeuvrer en ce sens ; son amour, contrairement à celui de la mère, ne se situe pas hors de ma portée.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41733
[...] Mais voilà, au début elles ne se doutent de rien : elles prennent, en effet, l'intensité de l'engouement, cet état d'être "fou" l'un de l'autre, pour une preuve de l'intensité de leur amour, alors que cela ne fait que révéler le degré de leur solitude antérieure.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41734
Au-delà d'un certain point, il est vrai, la pauvreté peut rendre le don impossible, et dès lors elle est avilissante, non seulement en vertu de la souffrance qu'elle occasionne directement, mais aussi parce qu'elle prive le pauvre de la joie de donner.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41735
El tragico destino de la mayoría de los seres humanos es que mueren antes de haber nacido.

Erich Fromm
(La attraccion de la vida)


#41736
La misión mas importante que tiene el ser humano en la vida es contribuir a su propio nacimiento y llegar a ser lo que potencialmente es.

Erich Fromm
(La attraccion de la vida)


#41737
Las pasiones del ser humano y sus miedos son un producto de la cultura.

Erich Fromm
(La attraccion de la vida)


#41738
Notre société occidentale contemporaine, malgré ses progrès matériels, intellectuels et sociaux, devient rapidement moins propre à assurer la santé mentale et tend à saper, dans chaque individu, la sécurité intérieure, le bonheur, la raison, la faculté d’aimer ; elle tend à faire de lui un automate qui paie son échec sur le plan humain par des maladies mentales toujours plus fréquentes et un désespoir qui se dissimule sous une frénésie de travail et de prétendu plaisir.

Erich Fromm
(Source inconnue)


#41739
Il est essentiel d’apprendre à se forger des jugements critiques, l’esprit critique étant la seule arme préservant l’homme des dangers de la vie, sa seule défense. Manquer d’esprit critique, c’est s’exposer aux influences, aux suggestions, aux erreurs et aux mensonges répandus, qui endoctrinent dès la première heure. Nous ne sommes ni libres, ni nous-mêmes, nous ne pénétrons pas au cœur de notre être, tant que nous n’avons pas développé notre jugement critique, et en un sens aussi un certain cynisme.

Erich Fromm
(L'art d'écouter)


#41740
Seul l’esprit critique permet à l’homme d’apprécier la réalité à sa juste valeur.

Erich Fromm
(L'art d'écouter)


#41741
L’esprit critique n’est pas un amusement, mais une faculté. On ne peut pas s’amuser à avoir l’esprit critique du philosophe, se dire à certains moments de la journée : « Je suis philosophe, j’ai maintenant l’esprit critique », et le dépouiller une fois rentré chez soi, après sa journée de travail. L’esprit critique est une qualité, une faculté, c’est une façon d’approcher le monde, un commerce avec toute chose. La critique n’est en aucun cas synonyme d’hostilité, de négativisme, de nihilisme. Au contraire, l’esprit critique est au service de la vie, il aide à éliminer individuellement et socialement les obstacle à la vie qui nous paralysent. Pour se montrer critique dans un monde qui nous rend cette tâche difficile, il faut du courage.

Erich Fromm
(L'art d'écouter)


#41742
Un homme peut avoir l’esprit critique dans une dictature, mais n’exprimera pas sa critique, s’il ne veut pas risquer sa vie. L’esprit critique vis-à-vis du système le rendra cependant plus heureux et plus libre que celui qui reste prisonnier de ses pensées, prisonnier d’un système de pensées auquel il ne croit pas.

Erich Fromm
(L'art d'écouter)


#41743
La paranoïa n’est qu’une affaire de degré.

Erich Fromm
(L'art d'écouter)


#41744
Demandez à un lecteur de presse moyen ce qu’il pense au sujet d’une certaine question politique et il vous donnera comme étant « son » opinion un compte-rendu plus ou moins exact de ce qu’il a lu, et surtout – et c’est là le point essentiel – il croira que ce qu’il est en train de dire est le résultat de sa propre pensée.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41745
Une autre façon de paralyser la capacité d'exercer une pensée critique est la destruction de tout type de représentation structuralisée du monde. Les faits perdent leur qualité spécifique qu'ils ne peuvent avoir qu'en tant que partie d'un tout structuralisé et n'ont qu'un sens parcellaire et quantitatif ; chaque fait n'est qu'un fait de plus et la seule chose qui importe est de savoir si nous en savons plus ou moins.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41746
En ce qui concerne toutes les questions fondamentales de la vie individuelle et sociale, les problèmes psychologiques, économiques, politiques et moraux, un large secteur de notre culture n’a qu’une fonction : embrouiller les questions. Un des types d’écran de fumée utilisés est l’assertion selon laquelle les problèmes sont trop compliqués pour que l’individu moyen puisse les saisir. Il semblerait au contraire qu’une grande partie des questions élémentaires de la vie individuelle et sociale soient très simples, si simples en réalité, que l’on pourrait s’attendre à ce que tout le monde les comprenne. Les faire paraître si compliquées que seul un « spécialiste » est capable de vraiment les comprendre – et encore, dans son propre champ limité et souvent de manière intentionnelle – tend à dissuader de croire en sa propre capacité de penser au sujet des problèmes qui importent réellement. L’individu se sent impuissant, pris dans une masse chaotique de données et, avec une patience pathétique, il attend que les spécialistes aient trouvé quoi faire et où aller. Le résultat de ce type d’influence est double : le premier est le scepticisme et le cynisme envers tout ce qui est dit ou imprimé, le second est une croyance infantile en tout ce qui est dit avec autorité. Cette combinaison de cynisme et de naïveté est tout à fait typique de l’individu moderne. Sa conséquence principale est de le dissuader de forger sa propre opinion et de prendre ses propres décisions.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41747
Un autre moyen pour dissuader la pensée originale est de concevoir toute vérité comme relative. La vérité est conçue comme un concept métaphysique et si quelqu’un dit vouloir découvrir la vérité, il est repoussé par les penseurs « progressistes » de notre époque. La vérité passe pour être une affaire de goût. L’entreprise scientifique doit être détachée des facteurs subjectifs, et son but est de regarder le monde sans passion ni intérêt. Le scientifique doit approcher les faits avec des mains stérilisées comme un chirurgien approche son patient.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41748
Il y a une façon de définir le vrai sens de la différence entre la démocratie et le fascisme. La démocratie est un système qui crée les conditions économiques, politiques et culturelles permettant le développement complet de l'individu. Le fascisme est un système qui, peu importe sous quel nom, fait de l'individu un être subordonné à des objectifs extérieurs et affaiblit le développement de l'individualité authentique.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41749
Je veux mentionner brièvement quelques-unes des méthodes éducatives utilisées de nos jours qui en effet découragent encore davantage la pensée originale. L'une d'entre elles est l'accent mis sur la connaissance des faits ou, devrais-je dire, de l'information. La superstition pathétique laisse entendre qu'en connaissant de plus en plus de faits on arrive à la connaissance de la réalité. On enseigne aux étudiants des centaines de faits confus et sans liens , tout leur temps et leur énergie sont employés pour apprendre de plus en plus de faits, ainsi, il reste peu de place pour la pensée. Penser sans une connaissance des faits reste vide et factice , mais l' « information » seule peut être tout autant un obstacle à la pensée que son absence.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41750
Notre propre démocratie n'est-elle que menacée par le fascisme d'outre-Atlantique ou par la « cinquième colonne » dans nos propres rangs ? Si tel était le cas, la situation serait sérieuse, mais non critique. Cependant, bien que les menaces étrangères et intérieures du fascisme doivent être prises au sérieux, il n'est de plus grande erreur ou de plus grave danger que de ne pas voir que, dans notre propre société, nous sommes confrontés au même phénomène qui est partout le sol fertile pour l'essor du fascisme : l'insignifiance et l'impuissance de l'individu.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41751
L'annihilation du Moi individuel et la tentative de dominer ainsi l'insupportable sentiment d'impuissance ne sont qu'un aspect des aspirations masochistes. L'autre face est la tentative de devenir un élément d'un ensemble, extérieur à soi, plus grand et plus puissant, de s'y fondre et d'y participer. Cette puissance peut être une personne, une institution, Dieu, la nation, la conscience ou une compulsion psychique. En devenant une partie d'une puissance perçue comme incontestablement forte, éternelle et séduisante, on participe à sa force et à sa gloire. On abandonne son propre Moi et l'on renonce à toute la force et la fierté liées à lui, on perd son intégrité en tant qu'individu et l'on abandonne sa liberté , mais on gagne une nouvelle sécurité et une nouvelle fierté en participant au pouvoir dans lequel on s'immerge. On gagne aussi une sécurité contre la torture du doute. Si son maître est une autorité extérieure ou si elle a intériorisé le maître en tant que conscience ou compulsion psychique, la personne masochiste est épargnée par la prise de décisions, par la responsabilité finale de son propre destin, et ainsi, épargnée par le doute du sens de sa vie ou par le doute de « qui elle est ». La relation au pouvoir auquel elle s'est liée répond à ces questions. Le sens de la vie et l'identité de son Moi sont déterminés par le plus grand tout dans lequel le Moi s'est immergé.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41752
La position dans laquelle l'individu se trouve à notre époque avait été prédite par des penseurs visionnaires au XIXe siècle. Kierkegaard décrit l'individu impuissant, déchiré et tourmenté par les doutes, bouleversé par le sentiment de solitude et d'insignifiance. Nietzsche visualise le nihilisme qui vient, lequel devait devenir manifeste dans le nazisme, et il dépeint l'image d'un « surhomme » comme la négation de l'individu insignifiant et sans direction qu'il voyait en réalité. C'est dans l’œuvre de Kafka que le thème de l'impuissance de l'homme s'exprime de la façon la plus précise. Dans Le Château, il décrit un homme qui veut rester en contact avec les habitants mystérieux d'un château, qui sont supposés lui dire ce qu'il doit faire et lui montrer sa place dans le monde. Toute sa vie se résume à un effort frénétique pour entrer en contact avec eux, mais il ne réussit jamais et il est laissé seul avec un sentiment de futilité et d'impuissance extrêmes.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41753
L'autre aspect du processus d'individuation est la solitude grandissante. Les liens primaires offrent la sécurité et une unité fondamentale entre l'individu et le monde extérieur. Au fur et à mesure que l'enfant émerge de ce monde, il comprend qu'il est seul, qu'il est une entité séparée des autres. Cette séparation d'un monde incroyablement fort et puissant comparé à sa propre existence individuelle, et aussi bien souvent menaçant et dangereux, crée un sentiment d'impuissance et d'anxiété. Aussi longtemps qu'il faisait partie intégrante de ce monde, méconnaissant les facultés et les responsabilités de l'action individuelle, l'enfant n'avait pas de raison d'être effrayé. Mais lorsqu'il devient un individu, il doit faire face, tout seul, aux aspects dangereux et écrasants du monde.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41754
L'unité de base de l'évolution sociale est l'individu, ses désirs, ses peurs, ses passions et sa raison, ses propensions au bien et au mal. Pour saisir les lignes de force de l'évolution sociale, nous devons comprendre les mobiles psychologiques agissant au sein de l'individu, tout comme pour comprendre ce dernier, il nous faut le situer dans la perspective de la civilisation qui le forme.

Erich Fromm
(La peur de la liberté)


#41755
La critique globale du capitalisme par Marx et sa vision du socialisme sont enracinées dans l'idée que l'auto-activité humaine est paralysée dans le système capitaliste et que l'objectif consiste à restaurer l'humanité totale en restaurant l'activité dans tous les domaines de la vie.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41756
Dans l'activité aliénée, je ne me ressens pas moi-même comme le sujet actif de mon activité ; j'expérimente plutôt le résultat de mon activité, et cela, comme quelque chose qui est « là-bas », qui est séparé de moi, qui se dresse au-delà de moi et contre moi. Dans une activité aliénée, je n'agis pas réellement, je suis agi (acted upon) par des forces extérieures ou intérieures. Je suis devenu séparé du produit de mon activité.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41757
Je pourrais remplir des pages et des pages ce citations des Pères de l'Église où ils affirment que la propriété privée et l'usage égoïste de toute possession sont immoraux.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41758
Tertullien (IIIe siècle) considérait que le commerce, dans son ensemble, était le fruit de la cupidité, et il nie sa nécessité chez les gens qui sont libres de tout rapacité. Il affirme que le commerce porte toujours en lui le danger de l’idolâtrie. Il appelle l'avarice la « racine de tout mal ».

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41759
Le marché moderne n'est plus un lieu de rencontre, mais un mécanisme caractérisé par une demande abstraite et impersonnelle. On produit pour ce marché, non plus pour un cercle connu de consommateurs ; son verdict tient dans la loi de l'offre et de la demande, et c'est lui qui décide si la marchandise peut être vendue, et à quel prix.

Erich Fromm
(L'homme pour lui-même)


#41760
Spinoza s'oppose radicalement aux éthiques autoritaires. Pour lui, l'homme est une fin-en-soi, et non pas un instrument livré à une puissance qui le transcende.

Erich Fromm
(L'homme pour lui-même)


#41761
Lorsqu'il s'adapte à l'esclavage, il abaisse le niveau de ses qualités intellectuelles et morales.

Erich Fromm
(L'homme pour lui-même)


#41762
Si l'homme était vraiment malléable à l'extrême, les normes et les institutions nuisibles à sa nature auraient toutes les chances de le modeler définitivement, selon des modèles que ses forces intrinsèques s'avéreraient impuissantes à modifier à jamais. Il ne serait alors qu'une marionnette au pouvoir des institutions sociales, et non pas — comme il l'a prouvé en diverses circonstances au cours de l'histoire — un être actif capable de réagir vigoureusement contre les pressions qui s'exercent sur lui.

Erich Fromm
(L'homme pour lui-même)


#41763
La société moderne a enseigné à l'homme que son bonheur (ou, pour employer une terminologie théologique, son salut) n'est pas le but de la vie, mais que celui-ci réside dans l'accomplissement de sa tâche, ou dans sa réussite.

Erich Fromm
(L'homme pour lui-même)


#41764
Il est nécessaire, avant que les forces de destructivité prennent le pas sur les autres, de se reprendre et de travailler à la constitution d'une société saine, où « l'homme se relie à l'homme par la raison, l'amour et le travail productif ».

Erich Fromm
(Société aliénée et société saine)


#41765
Le travail ne doit pas être, comme il l'est trop souvent, une activité qui fait oublier les problèmes propres à la situation humaine, il doit être une « activité spontanée » où s'exprime, dans le présent, le dynamisme créateur de l'individu.

Erich Fromm
(Société aliénée et société saine)


#41766
"L'individualisme" qui, dans son sens positif, suppose la libération des chaînes sociales, signifie, dans son sens négatif, "la propriété de soi", le droit, et le devoir d'investir son énergie dans sa propre réussite. Dans le mode avoir d'existence, chacun tire son bonheur de sa supériorité sur les autres, de sa propre puissance et, en dernière analyse, de la capacité de conquérir, de voler, de tuer. Dans le mode être d'existence, le bonheur se fonde sur l'amour, le partage, le don.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41768
Dans le mode être d'existence, la connaissance optimale consiste à connaître plus profondément. Dans le mode avoir, à posséder davantage de connaissances.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41769
Même lorsque le roi est nu, le peuple croit qu'il porte de magnifiques vêtements.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41770
Le processus d'aliénation de l'autorité intervient dans les grandes sociétés hiérarchiquement organisées. La compétence initiale, réelle ou prétendue, est transférée à l'uniforme ou au titre.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41771
Le problème de l'éducation s'articule sur ce point. Si les parents étaient eux-mêmes plus évolués et s'ils s'appuyaient sur leur propre centre, l'opposition entre l'éducation autoritaire et l'éducation laxiste n'existerait probablement pas. Ayant besoin de cette autorité du mode être, l'enfant réagit devant elle avec empressement ; en revanche, l'enfant se révolte contre l'oppression, l'indifférence ou l'excès d'attention des gens qui montrent par leur propre comportement qu'ils n'ont pas accompli eux-mêmes l'effort qu'ils attendent de l'enfant en cours de croissance.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41772
Presque tous les membres d'une société bureaucratique hiérarchiquement organisée, comme la nôtre, exercent une autorité, sauf les individus qui se situent au plus bas de l'échelle sociale et qui ne sont qu'objets d'autorité.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41773
Consommer est une façon d'avoir, et peut-être la plus importante, dans nos sociétés industrielles d'abondance. La consommation a des qualités ambiguës : elle soulage l'angoisse parce que ce que l'on a ne peut être enlevé ; mais elle pousse également à consommer toujours davantage, parce que toute consommation passée perd bien vite son caractère satisfaisant. Les consommateurs modernes peuvent s'identifier à cette formule : je suis = ce que j'ai et ce que je consomme.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41774
Le grand public se consacre si égoïstement à ses affaires privées qu'il prête à peine attention à tout ce qui se passe au-delà du domaine personnel.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41775
Pour la première fois dans l'histoire, la survie physique de la race humaine dépend d'un changement radical du cœur humain. Mais ce changement n'est possible que dans la mesure où interviennent des changements économiques et sociaux rigoureux capables de donner au cœur humain la chance de changer et le courage et l'envie d'accomplir ce changement.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41776
Une nouvelle éthique et une nouvelle attitude devant la nature sont nécessaires.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41777
Leurs propos (à Mesarovic et Pestel) ne font que confirmer ce que d'autres ont dit avant et après la publication de leur rapport : qu'une nouvelle société n'est possible que si, au cours de son développement, un nouvel être humain se développe également, ou, en termes plus modestes, si un changement fondamental se produit dans la structure de caractère de l'Homme contemporain.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41778
Les qualités mêmes que le système exigeait des êtres humains était l'égotisme, l’égoïsme et la cupidité.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41779
Le développement de ce système économique n'était plus déterminé par cette question : " Qu'est-ce qui est bon pour l'homme ? ", mais par celle-ci : " Qu'est-ce qui est bon pour la croissance du système ? ".

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41781
Le concept du plaisir illimité est curieusement en contradiction avec l'idéal du travail discipliné, de même qu'il existe une contradiction entre l'acceptation de l'éthique au travail obsessionnel et l'idéal de l'oisiveté totale pendant le reste de la journée et pendant les congés.

Erich Fromm
(Avoir ou être)


#41782
Le statut de l'amour reflète inévitablement cette grégarité de l'homme moderne. Des automates sont incapables d'aimer ; ils ne savent qu'échanger leur "paquet de personnalité" en espérant conclure un marché équitable.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41783
Maître Eckhart : "Si donc je suis changé en Dieu et s'il me fait un avec lui, alors, par le Dieu vivant, il n'y a pas de distinction entre nous... Certains s'imaginent qu'ils vont voir Dieu, qu'ils vont le voir comme s'il se tenait là, et eux ici, mais il n'en est pas ainsi. Dieu et moi, nous sommes un. En connaissant Dieu, je l'assimile à moi-même, je le porte à moi. En aimant Dieu, je le pénètre."

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


#41784
... le besoin de transcendance. Il s'agit ici d"un des besoins les plus fondamentaux de l'homme, enraciné dans la conscience qu'il a de lui-même, dans l'insatisfaction de son rôle de créature, dans le refus de s'accepter comme un dé jeté sur le tapis. Il a besoin de se sentir créateur, de transcender le rôle passif d'être créé. Ce désir de créativité peut se satisfaire de bien des manières.

Erich Fromm
(L'art d'aimer)


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