Seth Messenger : Citations de Pascal Picq

Pascal Picq a dit :

(Langue maternelle)
Pascal Picq
(Citations)
#37771
Sans trop généraliser, et avec une pointe de subjectivité, on aurait envie de penser que la beauté des mâles des sociétés tolérantes exprime l’influence du choix des femelles…

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37772
Une des grandes surprises des études chez les oiseaux a été de constater le fort pourcentage d’infidélité : en moyenne, un tiers des petits ne sont pas le fruit des relations sexuelles entre leurs parents.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37773
Les titis forment des couples stables habitués, pour marquer leur présence sur leur territoire, à chanter en chœur, tous les matins, des duos auxquels répondent leurs voisins. Juste après la naissance, le petit est porté par le mâle. Les douroucoulis ou singes de nuit, très intolérants envers les étrangers, se distinguent comme les plus strictement monogames. Ils s’épouillent peu entre eux, mais se reposent enlacés le jour comme la nuit. Assis côte à côte sur une branche, ils enroulent leurs queues. Le mâle porte constamment le jeune, qui ne rejoint sa mère que pour l’allaitement. Le dimorphisme sexuel est très peu marqué et il n’y a ni coercition sexuelle ni infanticide.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37774
Gibbons et siamangs forment la famille des hylobatidés. Leurs « familles » se composent d’une femelle, d’un mâle et de plusieurs jeunes. Une « famille complète » comprend les deux parents, un très jeune enfant non sevré, un autre enfant sevré, un adolescent et un subadulte : donc de 2 – famille sans enfant – à 6 individus – avec tous les enfants possibles. Quand l’aîné se rapproche de la maturité, il est vivement incité à partir par le parent du même sexe. Les gibbons défendent farouchement leur territoire, chassant sans ménagement tout intrus. Les infidélités sont rares (surveillance du partenaire). Chaque matin, les deux adultes entonnent des chants puissants auxquels répondent leurs voisins. Tous ces éléments font que les gibbons entretiennent peu de relations sociales et affectives. Les séances d’épouillage restent limitées entre les adultes comme avec les enfants. Ils ne dorment pas dans le même nid. Les enfants ne jouent pas, et pour cause, avec des jeunes de leur âge. Le rôle du mâle adulte se limite à la défense du territoire. Il n’y a pas d’investissement parental du mâle, sauf chez les siamangs où les pères transportent leurs enfants et les épouillent. Les relations de dominance sont équilibrées, la femelle pouvant déplacer son compagnon ou inversement. Il semble que cela dépende plus du caractère des uns et des autres. Il n’y a pas de dimorphisme sexuel pour la taille du corps ou des canines. Toutefois, chez quelques espèces la couleur de la toison diffère, blanche pour la femelle, noire pour le mâle. Ainsi va la vie, paisible, chez les gibbons et les siamangs. Cette lignée d’hominoïdes, séparée de celle des grands singes hominoïdes depuis 19 millions d’années en Asie, a été jadis plus diversifiée. Mais beaucoup d’incertitudes demeurent sur ses origines et son évolution. Nous retiendrons néanmoins que de fortes contraintes phylogénétiques s’exercent sur les systèmes sociaux des hylobatidés, qu’ils soient frugivores comme les gibbons ou folivores comme les siamangs.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37775
Les règles sociosexuelles empiriques chez les primates • L’asymétrie de l’investissement parental s’accentue, des premiers mammifères à l’homme, en passant par les singes (pour reprendre une perspective anthropocentrique) aux dépens des femelles et des femmes. • Plus l’asymétrie de l’investissement parental s’accentue, plus il y a de coercition sexuelle. • Plus les espèces ont des structures et des organisations complexes, plus il y a coercition sexuelle. • La différence de taille corporelle entre les femelles et les mâles, le dimorphisme sexuel, n’est pas corrélée au niveau de coercition sexuelle. • Il y a des contraintes phylogénétiques sur les structures (solitaires, monogames, polygynes ou polyandres, polygynandres) et les organisations sociales (exogamie des mâles ou des femelles). • Nonobstant les contraintes phylogénétiques propres à chaque lignée, on observe toujours une grande diversité d’organisation, plus rarement de structure, entre les espèces de ces lignées, à l’exception des gibbons et des siamangs (hylobatidés). • Les espèces terrestres tendent à être plus coercitives que les espèces arboricoles (socio-écologie). • Deux grandes tendances évolutives divergent chez les singes et les grands singes : l’une vers plus de coercition sexuelle chez les espèces polygynes et polygynandres, l’autre vers la monogamie, parfois la polyandrie, et l’absence de coercition sexuelle. • Une fois la monogamie acquise, il n’y a pas d’évolution vers les autres formes de sexualité et de reproduction (ce qui expliquerait l’uniformité des monogamies chez les hylobatidés).

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37776
C’est grâce à cette démarche qu’on a pu établir nos origines africaines vers 6 millions d’années, avec un ancêtre commun partagé avec les chimpanzés et les bonobos, ce qui est corroboré par les découvertes de fossiles tels que Toumaï ou encore Orrorin. On part de ce qu’a produit l’évolution pour la reconstituer.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37777
Voici les caractéristiques de la reproduction communautaire chez Homo. Une particularité importante est la propension à confier de très jeunes enfants aux autres. Cela signifie qu’il y a peu de risques de maltraitance ou d’infanticide. Cela se fait dans le cadre des règles sociales au sein du groupe. Hormis les pères occidentaux de l’époque victorienne à la fin du XXe siècle et comme trop de ceux des grandes civilisations agricoles ou industrielles en général, encombrés de leur image machiste sous la pression de leurs pairs, les hommes aiment tenir un bébé, voire l’accaparer comme dans les différentes traditions dites de la « couvade ». Le père se promène avec le nouveau-né et, selon les coutumes qui ont existé en Occident il y a à peine quelques siècles, peut aller jusqu’à se substituer à la mère dans le lit ou la couche où elle a mis le petit au monde. Les pères pratiquant le portage des enfants connaissent des transformations hormonales avec la production de prolactine et de cortisol et une baisse du taux de testostérone. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le modèle du père « civilisé », du paterfamilias, distant du nouveau-né est loin d’être une règle universelle. Ne pas tenir un bébé ou se tenir à distance relèvent des formes de la virilité dans le cadre de codes de la domination masculine qui régissent à la fois les rapports entre les hommes et les attitudes envers les femmes. (Nous verrons comment ces comportements, notamment les violences faites aux femmes, sont des messages politiques inscrits dans les jeux de domination entre les hommes, les mâles.) Parmi les nombreuses sociétés dans lesquelles les pères s’occupent des nouveau-nés, on retrouve les plus guerrières, comme les Massaïs et beaucoup d’autres. Ce n’est pas parce que des hommes participent à des combats qu’ils ne peuvent avoir des relations affectives avec d’autres hommes (les hoplites grecs), envers leurs femmes (le chevalier courtois) ou leurs enfants. L’image du soldat viril indifférent à toute forme d’empathie ou d’affection reste une forme extrême et rare de machisme.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37778
Le dilemme obstétrique. L’hypothèse classique du conflit entre la taille du petit bassin de la femme et celle de la tête du nouveau-né s’appelle le dilemme obstétrique. Parmi les questions qui se posent à ce sujet, on se demande notamment par quels mécanismes se déclenche l’accouchement à neuf mois de grossesse. De nombreux facteurs sont impliqués, notamment métaboliques. Le développement d’un fœtus aussi gros avec une croissance exponentielle et toutes les transformations du corps de la mère doublent ses besoins métaboliques. L’investissement de la gestante Sapiens est nettement supérieur à celui d’une femelle grand singe de même taille corporelle. Le déclenchement de l’accouchement serait une réponse aux signaux hormonaux émis par le corps de la mère quand il atteint ses limites métaboliques. Il faut donc supposer que la mère doit disposer d’un environnement social pour assurer ses besoins métaboliques, qu’elle doit bénéficier de diverses assistances autour d’elle pendant et après l’accouchement, et bénéficier de soins alloparentaux. Cela fait beaucoup de transformations génétiques, épigénétiques, anatomiques, physiologiques, comportementales, sociales et cognitives qui n’ont certainement pas pu s’opérer de façon ponctuelle. La longue évolution des Erectus au sens large s’étend sur une durée d’au moins 1 million d’années ; elle ne s’est pas faite de façon graduelle mais en mosaïque, avec beaucoup d’essais et d’erreurs.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37779
Si le bébé humain acquiert un très gros cerveau à la naissance, c’est davantage en raison de mutations génétiques agissant très tôt au cours de l’ontogenèse qu’à cause d’un allongement de la durée de gestation. Le volume du cerveau reste modéré in utero, mais s’accroît à nouveau après la naissance jusqu’à l’âge de 10-20 mois ; c’est l’altricialité secondaire.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37780
Plus que la chasse et l’apport de la viande, c’est l’invention du feu, de la cuisson et de l’habitat qui engagent l’humanité naissante dans le courant de l’évolution bioculturelle : c’est le « foyer » dans toutes ses acceptions. La cuisson, on l’a dit, permet de détoxifier les nourritures végétales et carnées, de les attendrir, de réduire la charge masticatrice et de favoriser la digestion. Les conséquences biologiques et physiologiques sont considérables, avec notamment la réduction de la taille des dents et de la face et celle du gros intestin. La cuisson et l’accès plus régulier à des protéines de bonne qualité apportent des calories disponibles pour le développement du cerveau et des fonctions cognitives. On connaît les interactions complexes entre le cerveau, l’intestin, appelé parfois le « deuxième cerveau », et le microbiote. Tous ces changements apparus avec Erectus ont deux conséquences : d’une part, l’accroissement de la taille du cerveau et le dilemme obstétrique, évoqués ci-dessus – sans oublier les facteurs de thermorégulation liés à des activités physiques intenses –, et, d’autre part, la réponse sociale à ces phénomènes – la reproduction communautaire. On voit que, contrairement à ce que suggèrent les reconstitutions classiques de l’homme-chasseur, fabricant d’outils et de culture qui nous soulagent de notre condition naturelle, les innovations techniques et culturelles sont en réalité les causes de nos transformations biologiques. Depuis Erectus, les facteurs comportementaux et culturels deviennent eux-mêmes des moteurs de transformations évolutives : biologie et culture tissent des interactions de plus en plus complexes, jusque dans les aspects les plus fondamentaux de ce que sont les humains, à commencer par la reproduction.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37781
Pour ce qui est des sociétés matriarcales humaines, au fil d’une passionnante enquête ethnographique parcourant tous les continents, Goettner-Abendroth livre le tableau suivant : Toutes les sociétés matriarcales actuelles sont agricoles. Elles sont matrilocales et matrilinéaires. Les statuts sociaux se transmettent de mère à fille, souvent la plus jeune. C’est l’inverse dans les sociétés patriarcales avec la transmission de la filiation au fils aîné. Les femmes détiennent le pouvoir sacré, héritage transmis de mères à filles depuis la déesse mère des origines. Il n’y a pas de propriété privée, mais collective. Cependant, il y a souvent confusion entre les aspects communautaires, économiques et politiques sur le statut de la propriété collective. Les mariages entre clans évitent la division des terres et/ou des cheptels collectifs, souvent avec des mariages croisés systématiques entre deux ou plusieurs clans selon des règles très complexes. Les hommes peuvent soit s’installer dans la maison de la famille de l’épouse, soit alterner avec la résidence de leur clan. - Il n’y a pas de paternité génétique mais une paternité sociale. C’est à cause d’une confusion entre les deux types de paternité, pourtant déjà distingués par Morgan et par Darwin, qu’après les travaux de Bronislaw Malinovski dans les îles Trobriand les sociétés occidentales ont cru que ces hommes n’avaient aucune idée de la paternité génétique – ce qui est faux. On a vu que les singes et les grands singes en général possèdent une bonne perception de la paternité ou de l’absence de paternité, et on en voit les conséquences dans leurs comportements envers les jeunes. En créant une situation où les hommes n’ont pas la certitude de la paternité ou de la non-paternité, la pratique de la paternité sociale diminue la coercition sexuelle. Les femmes ne pratiquent pas l’exclusivité sexuelle (polyandrie sexuelle) et il n’y a pas de jalousie. Sur ce point, on peut être dubitatif, comme l’était Darwin, connaissant l’universalité des comportements des mâles des autres espèces. Mais nous avons vu en effet que, chez les singes et les grands singes, la polyandrie permet de limiter les risques d’infanticide en raison de l’incertitude de la parenté. Ces sociétés, toutes agricoles, vivent en équilibre avec leur environnement. Belle idée, là encore, mais sans doute assez naïve, même si elle est très courante en écologie. Les populations des différentes espèces d’une même communauté écologique modifient leur environnement, et il en va de même pour toutes les sociétés humaines, y compris pour les peuples traditionnels, à un moindre degré que les sociétés agricoles. Il en va évidemment tout autrement avec les sociétés industrielles. Les croyances se réfèrent à une déesse mère ou à des divinités similaires. Les pratiques culturelles impliquent des sacrifices d’animaux mâles en surplus. Une sélection qui rappelle celle des éleveurs et, d’après les mythes, celle que les Amazones auraient pratiquée entre les hommes. Si les femmes détentrices du pouvoir sacré décident de l’animal à sacrifier, c’est néanmoins un homme qui se charge du sacrifice. - Il n’y a pas de forces de coercition sociale comme la police, l’armée, la justice. Les femmes sont à l’origine des innovations techniques agricoles, textiles et de la conception et fabrication des maisons. Les hommes représentent les intérêts de la communauté dans les relations extérieures, mandatés par l’assemblée ou l’autorité des femmes.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37782
Son livre(La filiation de l'homme, Charles Darwin) traite de l’importance de la sélection sexuelle par rapport à la sélection naturelle(chez l'homme). Il en arrive à la conclusion que la première a joué un rôle certainement plus important dans les différentiations morphologiques et cognitives entre les femmes et les hommes et, contrairement à la majorité des espèces où les mâles sont plus beaux, ce sont les femmes qui le sont dans notre espèce.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37783
(D’après les données de l’ONU et de l’Unicef, un tiers des femmes dans le monde se voient imposer un mariage, la majorité étant encore dans l’adolescence ou en étant à peine sorties.)

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37784
En travaillant sur la marche, j’ai découvert la coercition subie, en matière de déplacements, par les femmes, accusées de toutes les mauvaises intentions. Du temps de Darwin, une femme marchant seule dans la ville, surtout le soir, était soupçonnée de racolage et risquait d’être appréhendée. Ces situations persistent aujourd’hui dans une majorité de cultures. Darwin anticipe ce qui est bien compris de nos jours : un des enjeux majeurs pour l’humanité de demain repose en premier lieu sur l’éducation et la liberté des jeunes filles et des jeunes femmes. Rien de surprenant dans son esprit puisqu’il appartient à une famille dont le grand-père, Erasmus, militait contre l’esclavagisme et pour la liberté. Parmi ses relations, on trouve le philosophe William Godwin et sa femme, Mary Wollstonecraft, pionnière flamboyante des luttes féministes.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37785
Autre exemple de division des tâches : l’usage des outils. Toujours chez les chimpanzés, ce sont les femelles qui fabriquent et utilisent des outils, transmettant leur savoir-faire aux jeunes, avec, d’une communauté à l’autre, des traditions culturelles – au sens où les pratiques ne sont pas innées, donc transmises par les gènes, mais résultent d’un apprentissage dans un cadre social. Ces savoir-faire se diffusent puisque les femelles migrent à l’adolescence pour se reproduire dans une autre communauté. Voilà qui fait de l’ombre à l’homme, maître des outils et des machines…

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37786
Chez les Aborigènes australiens comme chez diverses populations de chasseurs-collecteurs nomades, on rencontre des sociétés très coercitives profondément marquées par l’antagonisme sexuel. Sans entrer dans les détails, tout concourt à séparer complètement le monde des femmes du monde des hommes. Femmes et hommes vivent dans des maisons différentes. Les hommes redoutent d’être contaminés par les relations sexuelles et se défient de tout ce qui touche aux femmes. Les garçons vivent les premières années dans la maison des femmes puis passent par une série de rituels souvent éprouvants, à commencer par la circoncision, dans le but d’effacer tout ce qui est perçu comme féminin. Une fois dans la maison des hommes, ils sont « allaités » par les hommes au moyen de fellations, le sperme remplaçant le lait des femmes. Les hommes ne doivent jamais avoir la moindre attitude affective envers leur femme, ni montrer du respect envers toute autre femme ; ce sont des guerriers valorisés par leurs exploits… Les femmes subissent la clitorectomie. Leurs rituels d’initiation sont moins nombreux et moins importants. Elles doivent s’isoler dans des huttes à menstrues pendant leurs périodes, les hommes ayant une aversion pour ce sang impur. Elles se chargent des jardins qu’elles cultivent avec des outils très rudimentaires fabriqués par les hommes. Les hommes assurent donc un contrôle total des moyens de production et de reproduction. Les femmes doivent emprunter des chemins différents ou en contrebas de ceux des hommes comme en Nouvelle-Guinée. Si, par inadvertance, une femme croise un homme, elle se jette dans les buissons et se couvre la tête comme elle peut. Toutes ces coercitions s’inscrivent dans une idéologie de l’infériorisation de la femme comme antagoniste absolu et dangereux de ce qu’est l’homme. Ce sont des sociétés horticoles de type B. Maurice Godelier brosse un tableau précis, documenté et magnifiquement analysé de ce type de société chez les Baruyas de Nouvelle-Guinée, des sociétés dites de chefferies ou de big-man.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37787
En Australie, il y a un siècle, les Arandas faisaient subir un terrible rite de passage à une jeune femme sur le point de se marier. Un groupe d’hommes l’emmenait dans les fourrés, lui infligeait une introcision (incision de l’entrée du vagin), puis un viol collectif. Après quoi, la jeune femme rejoignait celui qui deviendrait son mari, qui n’avait pas participé au cérémonial et, à partir de là, plus aucun autre homme que son époux ne pouvait avoir de relation sexuelle avec elle.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme (OJ.SC.HUMAINES))


#37801
La condition des femmes, déjà peu enviable au Mésolithique, continue de se dégrader. Il s’agit de sociétés patrilocales, avec des femmes provenant d’échanges entre groupes parfois éloignés ou de rapts : autant de facteurs favorisant la coercition. Les études ostéologiques révèlent notamment la robustesse des os des jambes chez les hommes, ce qui suggère une activité physique importante. Ces os sont relativement moins robustes chez les femmes, ce qui suppose des activités plus sédentaires. En revanche, les os des bras présentent une robustesse comparable à celle des athlètes femmes actuelles pratiquant l’aviron.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme)


#37802
En Italie, dans le sud de la France, dans la péninsule Ibérique, les traces de violence et d’aggravation de la condition des femmes vont de pair avec le fait qu’elles sont toujours plus représentées par leurs caractères sexuels, tandis que les hommes sont montrés de plus en plus dans des activités de prestige comme la chasse et la guerre.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme)


#37803
D’après une étude récente, plus des populations possèdent une longue histoire agricole, plus les inégalités sexuelles sont marquées. Bien qu’on ne dispose pas d’étude de ce genre pour les peuples d’éleveurs, notamment de chevaux, en Europe centrale, on peut admettre que leurs mœurs plus égalitaires continuent à prévaloir, en prenant pour argument le statut des femmes chez les Scythes, les Sarmates et d’autres peuples de l’âge du bronze et du fer qui étonnaient tant les commentateurs grecs et latins. Cette fois, nous sommes en accord avec Gimbutas.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme)


#37804
Il ne fait aucun doute que les sociétés agricoles se caractérisent par une forte division des tâches, la coercition sexuelle, souvent un fort antagonisme sexuel, un contrôle sur la fécondité, des pressions natalistes, etc. Mais ce n’est pas le cas de toutes. En fait, il semble que ce soit le cas pour toutes celles qui ont évolué vers les cités, les États et ce qu’on appelle les grandes civilisations, dont la puissance repose sur l’expansionnisme, le colonialisme et les armes : en d’autres termes, celles qui sont passées par l’âge axial.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme)


#37805
Chez les chimpanzés, sans parler de division des tâches, on peut dire que ce sont les femelles qui s’approprient les techniques concernant les outils et la nourriture. Les mâles se montrent moins intéressés et préfèrent les jeux de pouvoir, la chasse et les agressions intergroupes. Si les chimpanzés mâles n’exercent aucune coercition sur les objets techniques et leur usage, en revanche, les hommes inventent des formes de coercition sur les tâches, les outils, les modes de production, etc. À partir de quand s’instaure la division sexuelle des tâches dans les populations humaines : les premiers hommes ? Homo erectus ? Les espèces humaines du Paléolithique moyen – néandertaliens, dénisoviens, Sapiens ? L’Homme ne se réduit pas à l’outil, mais les hommes ont inventé la coercition par les techniques et leurs usages. Qu’il s’agisse des premiers outils de pierre taillée ou de toutes les formes d’art de la préhistoire et de la protohistoire, on ignore qui les fabriquait, des femmes, des hommes ou les deux, sans oublier les distinctions par classes d’âge. On ignore s’il y avait séparation de tout ou partie de ces activités artisanales et/ou artistiques. Les données archéologiques et ostéologiques ne permettent pas d’identifier des différences d’activités, si ce n’est à partir du Paléolithique supérieur, avec par exemple les traumatismes osseux du coude associés au lancer. (L’anatomie de l’épaule et du bras des néandertaliens leur conférait une grande force pour les lancers. Il est possible que cela n’ait provoqué aucun traumatisme au niveau du coude.)

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme)


#37806
Comme chez les chimpanzés et les bonobos et dans les sociétés contemporaines, les sociétés préhistoriques étaient principalement patrilocales avec des formes diverses de résidence et de filiation pour les femmes et les hommes. Plus les femmes résidaient à proximité de leurs familles, moins elles risquaient des violences et inversement. Plus la vie en société admet des espaces privés, plus les femmes risquent de subir des violences domestiques. Dans des conditions de vie avec de fortes variations saisonnières des ressources et des périodes de stress, les femmes sont plus susceptibles de subir des violences.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme)


#37807
À partir du Paléolithique supérieur – on ne sait pas pour la période précédente où cohabitaient plusieurs espèces humaines – apparaissent des sociétés de chasseurs-collecteurs-pêcheurs sensiblement plus sédentaires et accumulant des ressources et quelques richesses ostentatoires. De telles sociétés sont généralement plus inégalitaires, parfois esclavagistes, et n’hésitent pas à mener des expéditions récurrentes pour piller les ressources de leurs voisins et capturer des femmes. Les sociétés expansionnistes tendent à être dominées par les mâles, plus enclins à s’engager dans des relations extérieures, guerrières ou commerciales. Le prestige des guerriers comme les ressources provenant d’échanges constituent autant de facteurs qui favorisent la domination masculine et les inégalités.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme)


#37808
L’évolution n’a jamais été aussi darwinienne dans son acception la plus caricaturale, à la fois éliminatoire et procédant en termes de succès reproducteur, qu’au cours de l’histoire humaine. Les femmes représentent bien le sexe écologique, reproducteur et producteur. Autrement dit, comme l’avaient écrit Marx et Engels, la condition des femmes se trouve à l’origine de toutes les inégalités dans les sociétés humaines et leur évolution.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme)


#37809
L’éthologie comparée met en évidence la récurrence d’un fait qui, au premier abord, peut surprendre. Les coercitions précopulatoires favorisent l’accès privilégié des mâles qui les pratiquent à une femelle lorsque, quelque temps plus tard, elle devient sexuellement réceptive. Le harcèlement opère sur un régime de crainte conditionnant la femelle qui, au vu de ce qu’elle a subi, se protège d’autres agressions possiblement plus violentes. Ce mécanisme, qui paraît très archaïque d’un point de vue comportemental et psychologique, s’observe chez plusieurs espèces de singes, de grands singes… et chez les hommes.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme)


#37810
A la fin du mois d’octobre 2015, le Global Institute du cabinet McKinsey publiait une étude qui se conclut par ce constat vertigineux : si, dans le monde, les femmes étaient considérées à l’égal des hommes dans les entreprises, la richesse mondiale augmenterait de plus de 1 200 milliards de dollars ! Ces travaux confirment des centaines d’enquêtes et d’études qui, notamment depuis la crise financière et économique de 2008, affirment que les pays et les entreprises qui veillent à intégrer des femmes à tous les niveaux de responsabilité affichent des meilleurs résultats économiques. D’une façon à la fois pertinente, et non dénuée d’impertinence, on pourrait se demander s’il n’y a pas une corrélation entre les pays du nord et ceux du sud de l’Europe reliant, d’un côté, le niveau de la dette et, de l’autre, le niveau d’inégalité des tâches entre les sexes, la qualité de l’éducation et le bien-être. Tout cela est bien connu. Alors pourquoi la raison économique ne l’emporte-t-elle pas ? Des sociétés de type A nomades aux entreprises du numérique, une fois de plus, il ne s’agit pas d’une question de moyens de production mais bien d’idéologie de la domination masculine. La crise de la Covid-19 révèle combien la division des métiers, dont les fondements anthropologiques remontent à la préhistoire, comme l’a très bien démontré Alain Testart, a fragilisé nos sociétés. Tous les métiers d’aide à la personne, de plus en plus féminisés et non délocalisables, ont été durement touchés, alors que les métiers fondés sur des relations extérieures ou éloignées, les plus valorisés, plus investis par les hommes et responsables de la virulence de la diffusion du coronavirus, l’ont été beaucoup moins. On retrouve cette tendance anthropologique qui confine les femmes et leurs activités à l’intérieur du groupe tandis que les hommes sont plus engagés dans des relations extérieures au groupe social. Or c’est bien grâce à ces métiers auprès des personnes que la crise n’a pas pris une ampleur catastrophique.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme)


#37811
Germaine Tillion a décrit avec précision les mécanismes de la domination masculine dans les sociétés méditerranéennes, leurs idéologies, leurs frustrations, pour les femmes comme pour les hommes. La conclusion de ses observations, ainsi que celles d’autres anthropologues comme Maurice Godelier pour les Baruyas, est que l’antagonisme sexuel de la domination masculine fait des femmes opprimées et des hommes agressifs car se trouvant dans l’impossibilité culturelle de se montrer aimants. Il est grand temps de retrouver l’évolution qui a créé la femme.

Pascal Picq
(Et l'évolution créa la femme)


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